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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/172

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et Condé ; Coligny apprit que sa femme, Charlotte de Laval, qu’il avait laissée à Orléans, était tombée malade du typhus. Sentant sa fin approcher, elle lui écrivit pour lui dire a qu’elle s’estimoit. bien malheureuse de mourir sans l’avoir revu, lui qu’elle avoit toujours aimé plus qu’elle-même et qui eût pu l’aider à franchir ce dernier passage ; que néanmoins elle se consoloit, sachant ce qui le retenoit loin d’elle, qu’elle le conjuroit, pour elle-même, qu’il avoit toujours aimée, et au nom de leurs enfans, qu’elle lui laissoit comme gages de leur amour, de combattre jusqu’à la dernière extrémité pour le service de Dieu et pour l’avancement de la religion.  » Elle le mettait en garde contre la maison de Guise ; pour la reine mère, elle ne savait pas si elle devait dire la même chose, « étant défendu de juger mal de son prochain.  » Coligny, dès qu’il reçut cette lettre, partit avec des médecins pour Orléans ; il arriva à temps pour recevoir le dernier soupir de sa femme. A peine lui eut-il rendu les derniers devoirs, il retourna devant Chartres, laissant ses enfans sous la garde d’un précepteur.

Condé inclinait à la paix ; il avait consenti à livrer les places qu’il occupait, contre la remise en vigueur de redit d’Amboise, et 100,000 écus destinés aux Allemands. « Quand le traité fut soumis aux chefs des protestans, dit le duc d’Aumale, dans son Histoire, l’amiral l’attaqua vivement et cette fois avec toute raison. C’était folie à eux, disait-il, de poser les armes et de rendre les places sans obtenir d’autre garantie qu’une vaine promesse. La tentative de Meaux, leurs succès ne pouvaient qu’avoir envenimé les haines nourries, depuis longtemps contre eus, confirmé les résolutions de la cour et resserré les trames qu’ils avaient voulu rompre par la guerre : cette paix n’était qu’un moyen de les écraser plus sûrement.  » Condé faisait valoir que les Gascons commençaient à déserter, que les ravages commis par les reîtres exaspéraient le peuple. Mais Chartres était la veille d’être prise, Coligny aimait mieux négocier avec ce gage dans les mains. Condé fit « un pas de clerc,  » comme, dit Montluc ; il signa le traité de paix le 13 mars 1568. Le même jour, un édit du roi remit en vigueur l’édit de 1563. Coligny était de retour à Châtillon le 12 avril ; il put s’y livrer tranquillement à ses tristes pensées, et y pleurer en paix la compagne qu’il avait perdue.


I

La paix de Longjumeau ne tut qu’une courte trêve : le nouvel édit de pacification était l’ancien édit d’Amboise, dégagé « de toutes les restrictions, modifications, déclarations et interprétations » qui l’avaient altéré, mais, dès le premier jour, ce nouvel édit fut tenu