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tout le jour ; mais Monsieur ne descendit pas de son camp retranché, et, le lendemain, Coligny, jugeant sans doute que la position du duc d’Anjou était trop forte, se retira lentement.

Après le combat de La Roche-Abeille, les deux armées n’avaient pas moins d’envie l’une que l’autre de s’établir en des pays plus gras que le Limousin. Les protestans prirent quelques places, notamment, Lusignan et Châtellerault, et se résolurent au siège de Poitiers. La noblesse du Poitou poussait de toutes ses forces à ce siège ; on imputa pourtant à Coligny de l’avoir entrepris parce que le duc de Guise et son frère étaient dans la place. La vérité est qu’il insista beaucoup sur les difficultés de l’opération, remontrant que Poitiers était bien fourni d’hommes de qualité, « et qu’ordinairement ces grandes cités sont les sépultures des armées.  » Toutes ses craintes se réalisèrent ; les assauts furent repoussés, la maladie se mit parmi les assiègeans ; les meilleurs officiers tombèrent malades, l’amiral lui-même fut atteint de la dyssenterie ; le blocus ne réussit pas mieux que les attaques de vive force, et le duc d’Anjou ayant menacé Châtellerault, Coligny leva le siège, malade, porté en litière, et ne voulant pas un moment abandonner les siens. A son approche, le duc d’Anjou battit en retraite. Les catholiques marchèrent toute la nuit, passèrent la Creuse au Port-de-Piles, où ils laissèrent deux mille arquebusiers et quelques cornettes de cavalerie française pour retarder la poursuite des protestans. Avec le reste de ses troupes, Monsieur se logea à La Selle. Cette belle retraite d’une armée entière se fit sans aucun désordre. Les coureurs protestans trouvèrent le passage de la Creuse bien défendu. L’amiral dut chercher un autre passage et franchit la rivière entre Le Port-de-Piles et La Haye en Touraine ; il voulait forcer Monsieur à une bataille générale ou l’obliger à s’enfermer dans Tours. Après avoir en vain offert la bataille, manquant de vivres, il repassa la Creuse et la Vienne et prit ses quartiers à Faye-la-Vineuse (le 13 septembre) et aux environs.

C’est là que fut exécuté, le 21 septembre, Dominique Dalbe, valet de chambre de l’amiral. Il fut convaincu d’avoir livré à La Rivière, capitaine des gardes de Monsieur, à Brisach, au mois de mai, des lettres d’Élisabeth d’Angleterre, de la reine de Navarre, des princes et de Coligny écrites au duc de Deux-Ponts, d’avoir servi ensuite d’espion et enfin d’avoir voulu tuer Coligny devant Poitiers. Monsieur cependant, ayant reçu tous ses renforts, et renforcé par le duc de Guise passa la Vienne ; son avant-garde était commandée par le duc de Montpensier ; lui-même avec la bataille se rendit à Loudun ; Coligny quitta Faye-la-Vineuse et se rendit à Mirebeau. Le duc d’Anjou se porta de ce côté et l’amiral résolut de lui offrir la bataille près de Moncontour, sur les grandes plaines de Saint-Cler. Il y