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château de Châtillon-sur-Loing avait été pris et que tous ses meubles, enlevés dans plus de quatre-vingts charrettes, avaient été emportés à Paris et vendus à l’encan. Avant de commencer une nouvelle campagne avec ses auxiliaires allemands, il eut la pensée d’écrire son testament : « Ne sçachant l’heure qu’il plaira à Dieu m’apeler, je veux bien laisser ce témoignage à ma postérité pour ne lui laisser point une notte d’infamie qui soit d’infidélité ny de rébellion, et que si j’ay pris les armes, ce n’a point esté contre le roy, mais contre ceulx qui tiranniquement ont contraint ceulx de la religion reformée de les prendre pour garantir leurs vies. » Plus loin, il n’a, dit-il, eu que deux désirs « pour ce que, partant de ce monde, je sçay qu’il fault que je en voise comparoistre devant le trosne de Dieu, pour y recepvoir mon jugement, je veulx qu’il me tourne en condamnation si je mens en disant que ce que je désire le plus, c’est que Dieu soit servi partout et principalement en ce royaulme, en toute pureté et selon son ordonnance, et après que ce royaulme suit conservé. »

Ce testament olographe forte la date du 7 juin ; deux jours après, l’amiral s’emparait de Nontron, place appartenant à la reine de Navarre ; il y apprit que les Allemands avaient passé la Vienne ; leur général, Wolfgang de Bavière, duc de Deux-Ponts, avait succombé aux environs de Limoges à une maladie que les fatigues d’une longue et difficile marche avaient rendue mortelle, et avait laissé le commandement des troupes au comte Volrad de Mansfeld. La jonction des confédérés se fit à Saint-Yrieix le 23 juin 1569. Coligny passa en revue les reîtres et les lansquenets et leur délivra un mois de leur solde. Sans plus tarder, on alla chercher l’armée du duc d’Anjou, qui campait à La Roche-Abeille dans d’excellentes positions, à une lieue de Saint-Yrieix. Monsieur avait accru son armée déjà très forte des troupes du duc d’Aumale, de mille deux cents cavaliers italiens, que le comte Santa-Fiore, neveu du pape Pie V, lui avait amenés quelques jours avant avec quatre mille fantassins. L’amiral menait l’avant-garde ; la bataille était commandée par le comte de La Rochefoucauld ;. les princes avaient ce jour-là environ quatorze mille hommes de pied, quatre mille chevaux et six canons. Strozzi porta tout le poids de l’attaque des protestans ; il défendit avec une grande vaillance le corps de garde de l’armée royale, entouré de palissades et d’abatis, mais plus de quatre cents des siens furent tués, et lui-même eût été mis à mort s’il n’eût été reconnu par celui qui le mena à l’amiral. Ce corps de garde rompu, les protestans désiraient fort aller à l’assaut du camp du duc d’Anjou, placé sur les crêtes ; mais la pluie avait détrempé le sol, et l’attaque fut interrompue. L’artillerie royale ne cessa de tonner contre l’armée protestante, qui demeura en place pendant