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LE
COMMERCE DANS L'EXTREME ORIENT
ET LA QUESTION DU TONKIN

Les incidens survenus au Tonkin ont attiré l’attention sur les affaires de l’extrême Orient. En France, l’opinion publique se préoccupe de la Cochinchine, où nous avons fondé une colonie, des relations politiques avec l’empire d’Annam, des complications éventuelles du côté de la Chine, qui est limitrophe, et qui revendique un droit de suzeraineté auquel feraient échec nos plans d’annexion ou de protectorat. À ces différens points de vue, la question du Tonkin présente de sérieuses difficultés, elle peut prendre de grandes proportions, et mener loin notre diplomatie, notre drapeau et nos finances. Nous sommes là, qu’on ne s’y trompe pas, sur un terrain très accidenté, en plein Orient, et, qui pis est, en pays chinois. De plus, on doit prévoir que si le différend se prolonge et s’envenime, il ne demeurera point confiné entre la France, l’empire d’Annam et la Chine ; il affectera nécessairement les intérêts de l’Europe et de l’Amérique en Asie, intérêts politiques, commerciaux et même religieux ; il atteindra, par contre-coup, des relations péniblement établies, et il pourrait troubler le bon accord qui a régné jusqu’ici entre les différentes nations liguées depuis un demi-siècle pour conquérir l’accès du Céleste-Empire. L’isolement de la France dans l’extrême Orient serait, à tous les points de vue, fort regrettable. Cette région est devenue une sorte de terre commune pour la civilisation de l’Europe et pour le commerce universel. Si l’on mesure les progrès accomplis, et la part que prend chaque pays au mouvement des affaires, on se rendra compte des embarras qui peuvent naître des incidens du Tonkin et de la sollicitude, inquiète ou malveillante plutôt que jalouse, dont s’inspirent la presse anglaise et la presse