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LA
LEGENDE D'ENEE

La Légende d’Enée avant Virgile, par J.-A. Hild, professeur à la faculté des lettres de Poitiers ; 1883.

Je devrais peut-être m’excuser auprès des lecteurs de la Revue de les entretenir d’une question qui pourra leur sembler trop aride et qui ne paraît faite que pour intéresser des érudits. Je me rassure pourtant quand je songe que, dans les travaux de ce genre, c’est surtout le premier accès qui rebute. Il faut quelque courage pour les aborder ; mais une fois qu’on en a entamé l’étude et que les difficultés du début sont surmontées, on est tout surpris d’y trouver plus d’intérêt, et même plus d’agrément qu’on ne pensait.

La science d’autrefois n’avait pas de goût pour les légendes. Il est bien sûr que, la plupart du temps, lorsqu’on prétend leur appliquer les règles d’une critique rigoureuse, elles ne supportent pas l’examen. Daunou se trouve amené, dans son Cours d’études historiques, à raconter celle dont nous allons nous occuper. Il ne le fait qu’avec beaucoup de répugnance et ressent une sorte d’irritation en présence de tant de sottises. Elle lui paraît « un tissu de fictions ridicules, de fables romanesques et incohérentes ; » il déclare qu’il ne prend la peine de les exposer que pour en montrer l’extravagance ; et la seule conclusion qu’il en tire, c’est que « les histoires de tous les grands peuples commencent par des puérilités. » Nous sommes devenus moins sévères, et ces « puérilités » ne nous semblent pas mériter tant de mépris. En supposant même, ce qui est rare, qu’elles