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l’escadre dans sa dernière campagne, et tels les résultats qu’on s’en promettait, comme cette mission a été remplie, et bien remplie, comme ces résultats ont été atteints, cette étude serait inutile ; rien ne la justifierait, ou du moins ne l’expliquerait même à nos yeux. En rendre compte au ministre de la marine serait l’affaire du commandant en chef de l’escadre, et le marin distingué qui occupe ce poste d’honneur s’est acquitté à merveille de ce devoir, nous en sommes sûr. Mais il nous a été dit, bien avant notre départ de France, que lorsque le programme de notre future campagne, tel qu’il avait été conçu par le commandant en chef de l’escadre, et adopté par le ministre de la marine, fut soumis au conseil des ministres, le ministre des affaires étrangères fît ajouter aux parages que nous devions visiter les côtes de la Syrie, Beyrouth, Saïda, Caïpha. N’y avait-il pas là une pensée politique d’ordre supérieur inspirant ce ministre et loi dictant, sous l’impression de l’effondrement de notre influence en Égypte, la volonté de sauvegarder au moins notre influence dix fois séculaire dans l’Orient ? Nous l’avons cru, et quelque humble que fût notre situation officielle, pour si peu que dussent compter nos efforts personnels, nous nous promîmes alors d’aider de toutes nos forces, — elles se résument en ces quelques mots : l’amour de la vérité, l’amour de la France, — à la réalisation de cette volonté patriotique. Le moment est venu de remplir ce devoir. Difficile ou non, qu’importe ! La vérité, tout au moins la sincérité, ne sont jamais inutiles. Ce n’est point d’ailleurs un journal de campagne que nous avons écrit, c’est le résumé des impressions que nous ont jetées ces trois mois de voyage, trop rapide, dans des pays où la France, — la France républicaine surtout, — aurait besoin de se montrer plus souvent, telle que l’escadre la représente avec sa fière devise : Honneur et Patrie.


I

De la fin de l’année 1847 aux premiers mois de 1851, nous assistions, simple enseigne de vaisseau, à ce drame émouvant plein de catastrophes, de révolutions sanglantes, de tentatives héroïques avortées, qui fut comme l’enfantement douloureux de l’Italie nouvelle, de l’Italie se retrouvant, après tant de siècles de divisions profondes, constituée enfin en nation, libre, indépendante, et bientôt puissante. Nous, avions vingt ans, notre esprit s’ouvrait à tous les enthousiasmes de la jeunesse ; on devine pour qui étaient nos sympathies. L’affranchissement de ces généreuses cités : Palerme, Naples, Livourne, Gênes, Milan, de toutes les tyrannies qui pesaient sur elles, leur union définitive dans une fédération dont Rome serait la