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lui donna l’ordre de se transporter immédiatement chez Dominique Sousa et d’exiger de lui la remise des papiers. L’officier ayant répondu qu’il les avait confiés, ainsi qu’un certain nombre d’autres, au colonel Callava, sans l’ordre duquel il ne pouvait les livrer, Jackson le fit immédiatement arrêter et envoya un détachement de troupes au domicile du colonel pour réclamer les pièces dont il était détenteur. Callava demanda que cette réclamation lui fût adressée par écrit, se déclarant prêt à remettre les paniers dont il s’agissait s’ils étaient de ceux dont le traité prescrivait la remise aux autorités américaines et, se réservant, dans le cas contraire, de faire connaître les motifs de son refus.

Cette réponse, dont il était difficile de contester la correction, exaspéra Jackson ; il fit arrêter le colonel dans son lit, à dix heures du soir, et le fit amener devant lui. Il lui déclara qu’il refusait de lui reconnaître un caractère public, et le somma de nouveau d’obtempérer immédiatement à sa réclamation. Cette sommation fut suivie d’une scène d’une indescriptible violence. Jackson, l’écume à la bouche, frappant violemment sur la table, s’emporta en invectives, accabla de grossières injures le commissaire espagnol, qui se bornait à répéter qu’il ne pourrait répondre à la réclamation tant qu’il ignorerait la nature des papiers réclamés, mais qui se déclarait prêt à y satisfaire, s’il le pouvait sans manquer à ses devoirs. Jackson mit enfin un terme à la discussion en produisant un ordre d’incarcération préparé d’avance, et en faisant conduire le colonel à la prison publique, pendant qu’on procédait à la saisie des papiers au domicile de ce dernier et hors sa présence. Avant de se rendre à la prison, Callava déclara qu’il protestait publiquement devant le gouvernement des États-Unis contre la violation du droit commise en sa personne.

Le lendemain matin, quatre Espagnols de la plus haute condition vinrent trouver le juge des États-Unis pour la Floride occidentale, Élie Fromentin, et lui demandèrent d’ordonner la mise en liberté de Callava. Le juge l’ordonna, moyennant une caution de 40,000 dollars pour la remise des papiers dont il ignorait la saisie. Lorsque le gardien de la prison remit à Jackson le writ d’habeas corpus, ce dernier se livra à un nouveau débordement d’injures dans lesquelles il confondait le prisonnier et le juge qui l’avait fait élargir, il fit immédiatement remettre à ce dernier une note ainsi conçue :

« Élie Fromentin devra comparaître devant moi et faire connaître pourquoi il a tenté de mettre obstacle à l’exercice de mon autorité comme gouverneur de la Floride, investi des pouvoirs du capitaine-général et intendant de l’île de Cuba sur la dite province et du gouverneur de cette province, ayant en vertu de mes pouvoirs judiciaires