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LA
CRITIQUE LITTÉRAIRE
SOUS LE PREMIER EMPIRE


I.

On a souvent répété que la critique eut de beaux jours sous le consulat et l’empire. Il est au moins incontestable qu’alors le public s’intéressait vivement à des questions auxquelles nous sommes devenus trop indifférens. Après un branle-bas qui avait tout renversé, les esprits désorientés ne demandaient qu’à se laisser conduire et à se sauver enfin de la licence. Tandis qu’un pouvoir provisoirement tutélaire rendait à la France l’ordre et le repos, une restauration morale était donc appelée par bien des vœux : car la politique et la littérature vont presque toujours de concert, surtout chez un peuple qui vient d’échapper à des épreuves douloureuses. L’instinct de conservation se réveille alors avec plus d’énergie que jamais et ne se trompe guère sur les remèdes qui conviennent aux maladies du corps social. On le vit jadis sous Henri IV et sous Louis XIV : l’avènement de Malherbe et de Boileau n’avait-il pas suivi le dévergondage de la ligue et de la fronde? De même, l’anarchie du directoire produisit bientôt, dans les lettres comme dans l’état, une réaction favorable au principe d’autorité: tous les hommes de sens crurent donc qu’ils faisaient œuvre de patriotisme, en lui prêtant main-forte.