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pour les femmes : Mme Maisonneuve, Mlle Sauvan, parmi les laïques ; Mme Barat, fondatrice du Sacré-Cœur, parmi les congréganistes. De 1815 à 1820, la législation commença à s’occuper de ces divers établissemens et à les distinguer en différentes classes : écoles, pensions, institutions. Un brevet de capacité était institué pour les écoles primaires ; avec quelques matières de plus, il ouvrait l’enseignement dans les pensions ; un diplôme supérieur était imposé aux institutrices. Ces premières règles furent développées et systématisées dans l’excellente ordonnance du 7 mars 1837, qui fut, dit M. Gréard, la première charte de l’enseignement secondaire des filles. Sous l’impulsion de cette législation et de l’esprit libéral qui régnait alors, l’éducation des filles fit, sous le gouvernement de juillet, de rapides progrès. En 1845, dit le rapport, on comptait dans le département de la Seine 253 pensionnats ; en 1846, il y en avait 266, plus 20 couvens. Les maisons laïques comptaient 13,484 élèves ; les maisons ecclésiastiques en comptaient 1,600, en tout 15,000 élèves. En même temps, un nouveau système d’enseignement pour les filles venait faire concurrence à celui des pensionnats et des institutions. C’est le système des cours, introduit jadis par l’abbé Gaultier, mais dont le principal restaurateur et réformateur a été Alvarès Lévi. On sait quel succès ces cours ont obtenu dans la bourgeoisie parisienne. Un grand mouvement d’opinion favorisait et accélérait ce progrès. Une Revue pour l’enseignement des femmes discutait toutes les questions que soulève la matière. On commençait à demander l’intervention de l’état et à propager l’idée de « collèges de filles semblables en tout aux collèges de garçons pour l’établissement et la durée des études[1]. » On attribue même à M. de Salvandy la pensée d’un projet de ce genre.

« La loi du 15 mars 1850, dit M. Gréard, arrêta court tout cet élan. L’atteinte fut d’autant plus funeste qu’elle parut portée au nom de la liberté. Le règlement du 7 mars 1847 constituait quatre degrés d’instruction pour les filles : les écoles primaires élémentaires, les écoles primaires supérieures, les pensions et les institutions. Toute cette hiérarchie si laborieusement construite fut en un instant déconcertée et brisée. On confondit dans une même appellation et sous une législation commune les écoles, les pensions et les institutions. On supprima les degrés auxquels elles répondaient, les brevets qui les représentaient. Avec le brevet de capacité, le brevet simple ou même avec la lettre d’obédience, chacun eut le droit

  1. Kilian, de l’Instruction des filles à divers degrés, p. 23. Pour apprécier l’importance de cette idée, il ne faut pas oublier que M. Kilian était un haut fonctionnaire de l’administration de l’instruction publique. C’était donc dans le monde officiel lui-même que l’on commençait à penser a cette époque à des lycées de jeunes filles.