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de tout enseigner. L’examen lui-même avait été abaissé : sauf à Paris, la littérature avait été exclue du brevet complet de capacité. On avait retranché également l’exposition des principes d’éducation et des méthodes d’enseignement. » En même temps que la loi de 1850 abaissait systématiquement le niveau de l’enseignement et que la réaction religieuse favorisait l’éducation ecclésiastique aux dépens de l’éducation laïque, des causes économiques d’un autre genre agissaient dans le même sens et frappaient les grands pensionnats. La crise des loyers rendait impossibles les maisons d’éducation laïques, et les maisons religieuses restaient presque seules en possession de l’enseignement. Sans la concurrence des cours, dont chacun sait les imperfections et les lacunes, il n’y aurait plus eu en France pour l’éducation des femmes d’autre éducation que l’éducation ecclésiastique. Tel était l’état des choses en 1867, lorsque M. Jules Simon, au corps législatif, commença à réclamer le concours de l’état. Vers la même époque, M. Victor Duruy, à qui on doit tant d’importantes créations, suscita des cours universitaires qui soulevèrent alors les mêmes réclamations et les mêmes protestations que la réforme actuelle. Parmi les cours institués à cette époque pour répondre à l’appel du ministre, un certain nombre subsistent encore aujourd’hui ; surtout les cours de la Sorbonne sont restés en faveur et jouissent d’une grande prospérité. On peut dire seulement qu’ils répondent plutôt à l’enseignement supérieur qu’à l’enseignement secondaire. On voit la suite des faits qui a amené la législation récente, laquelle consiste à ouvrir au nom de l’état des lycées de jeunes filles. Cette institution, neuve en France, avait pour elle l’exemple d’un grand nombre de pays étrangers, et, à ce titre, ce n’est pas même une innovation.

Voilà pour l’historique des faits : résumons également, d’après M. Gréard, l’historique des opinions et des doctrines. L’auteur rattache cet historique à trois points principaux : le mode d’éducation applicable aux filles (éducation publique ou privée) ; la matière et les programmes des cours ; le but et l’esprit de l’enseignement.

Sur le premier point, il ne faut pas oublier que le seul mode d’éducation publique qui existât dans l’ancien régime, c’étaient les couvens ; la question de l’éducation publique se compliquait donc de celle de l’éducation ecclésiastique ; et, la plupart du temps, surtout chez les philosophes du XVIIIe siècle, éducation privée ne signifie pas autre chose qu’éducation laïque. On ne peut se figurer aujourd’hui ce qu’était l’éducation des filles dans les maisons religieuses sévères du XVIIe siècle, par exemple, à Port-Royal. On n’y apprenait autre chose que le catéchisme, la lecture, l’écriture et un peu d’arithmétique. Tout le reste du temps était consacré à des