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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/622

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vieille coquette sous les mensonges du fard et du vermillon. Ses gaietés s’émancipent jusqu’à de vulgaires jeux de mots, par exemple quand il travestit M. Dupaty en M. du Pathos. Dans ses bons jours, il n’eut jamais que l’esprit qu’il s’était fait, et ce serait même le flatter que de répéter avec Joubert : « Dans son agréable ramage, on ne peut démêler aucun air déterminé. » Que n’a-t-il écrit en latin ! Sa préface de Quintilien prouve qu’il le maniait fort habilement.

Nous ajouterons que ses meilleures pages sont des articles sur des livres de collège. Encore ne fut-il, dans ce genre, qu’un apprenti à côté d’un jeune maître, M. Boissonade, qui, à la quatrième page des Débats, signait alors de son humble oméga des notices tout imbues des parfums de la double antiquité. Tandis que les gros bonnets du feuilleton prenaient un ton de docteur pour trancher des questions auxquelles ils n’entendaient pas grand’chose, lui, du moins, il donna l’exemple d’un savoir précis, et d’un style agréable dans les sujets les plus ingrats. Ses moindres bagatelles avaient un tour attique; et, tout en se réduisant trop volontiers à des problèmes de philologie ou de grammaire, son érudition, aussi exacte que discrète, s’assaisonnait de quelques grains de malice contre les pédans ou les faux savans. Sous des aperçus fins et instructifs on pouvait déjà pressentir l’helléniste friand auquel il suffira plus tard de commenter deux mots grecs, pour captiver, durant une heure, tout un cercle d’auditeurs religieusement attentifs aux petites découvertes d’une érudition brillante comme la poussière du diamant. Après cet hommage rendu à la délicatesse d’un raffiné qui sut distiller le suc des fleurs, il faut bien cependant confesser que les lecteurs d’aujourd’hui seraient fort surpris, si les journaux leur servaient les miettes dont se contentait l’appétit de nos pères. Il est certain que ces notules nous paraissent bien grêles : les connaisseurs sont devenus plus exigeans; et, pour que l’antiquité garde son attrait, il sera désormais nécessaire de la rattacher au train des idées modernes par des études larges, vivantes et susceptibles d’intéresser l’artiste, le philosophe, l’historien ou le moraliste.


V.

C’est ce que comprit un autre humaniste, M. de Féletz, formé dans le commerce de la société polie plus que dans l’ombre des écoles. Né à Gumont, petit village de la Corrèze, le 3 janvier 1767, au sein d’une famille de vieille noblesse, élève de l’Oratoire et destiné à l’état ecclésiastique, il venait d’achever ses études de théologie,