et tenait une chaire à Sainte-Barbe, lorsqu’en 1791 la commune de Paris le somma de prêter serment à la constitution civile du clergé. Au lieu d’obéir, il se démit de ses fonctions, et se retira en Périgord. Il aurait pu ne pas franchir le dernier degré du sacerdoce; mais le gentilhomme mit son point d’honneur à braver ce péril; et, ordonné prêtre dans une chambre par un évêque proscrit, il aima mieux se laisser emprisonner que de mentir à sa conscience. Jeté, à Rochefort, sur un ponton infect où la contagion décimait ses compagnons de captivité[1], il passa dix mois dans cet enfer, sans consentir à une défaillance qui l’aurait délivré. Il n’en sortit que sous la menace de la déportation. Arrêté une seconde fois à Orléans, il allait partir pour Sinnamary, quand il eut l’adresse d’échapper à ses gardiens; mais il ne respira qu’au jour où la sécurité du consulat rendit un ami des lettres à de studieux loisirs, et ouvrit les salons à l’homme le plus fait pour s’y plaire.
Ce fut alors que deux anciens barbistes, MM. Bertin, le pressèrent de s’adjoindre à la rédaction de leur journal. Il accepta cette plume qu’ils lui tendaient, et il n’eut qu’à rester un causeur aimable, pour se trouver, sans le savoir, excellent écrivain. Chrétien de conviction et royaliste de cœur, il avait assez souffert pour garder rancune à la révolution, et ne point détester une dictature; il fut donc de ceux qui se sentirent renaître lorsque la société reprit enfin son équilibre. Mais, tout en profitant de ce bienfait et prêtant un concours actif au rétablissement de la paix publique, il ne donna jamais le moindre gage à l’empire, et ne se laissa ni tenter par ses faveurs, ni intimider par ses violences. Pendant dix années, fidèle à ses regrets, sans acheter ce droit par des flatteries, il montra comment la dignité du langage peut sauvegarder l’indépendance des idées et des sentimens. Soutenue par un caractère, sa dextérité réussit même à se jouer parfois des contraintes légales, à tirer parti des réticences, et à mêler des vérités relativement courageuses aux controverses tolérées par un pouvoir de plus en plus irritable. Lorsque l’empereur confisqua le Journal des Débats pour l’asservir à sa politique, M. de Féletz émigra vers le Mercure, où il porta son esprit de réserve et de fierté.
Par cette attitude silencieusement dissidente, il se distingua de ses confrères, et en particulier de Geoffroy. En servant sous le même drapeau, il n’usait pas non plus des mêmes armes. Sans être moins acérées, les siennes furent assez courtoises pour ne point blesser les personnes en visant les doctrines. Habitué à l’urbanité de l’ancien régime, et soucieux avant tout d’agréer à ses survivans, il sut
- ↑ Sur sept cent soixante prêtres, deux cent cinquante seulement survécurent.