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une présomption de notre part, et d’ailleurs de simples descriptions n’instruisent guère celui à qui la réalité est inconnue. Aussi nous nous contenterons de tracer une faible esquisse du spectacle, uniquement pour faire comprendre le sujet. Après quoi, il nous faudra exposer les anciennes observations et les vieilles hypothèses relatives à « la lumière du nord, » et antérieures au XIXe siècle, pour arriver ensuite aux découvertes accomplies depuis soixante ans, et particulièrement aux théories et expériences de M. de La Rive. Enfin nous analyserons les travaux récens de deux esprits éminens, Finlandais l’un et l’autre, qui, chacun de leur côté, ont tenté de dérober à la nature boréale quelques-uns de ses secrets, procédant à leurs études respectives, l’un au détroit de Behring, il y a cinq années environ, l’autre, plus récemment, en Laponie : MM. Nordenskiöld et Lenström.


I.

Les descriptions d’aurores boréales encombrent les relations de ceux qui ont exploré les terres arctiques ; on les retrouve dans beaucoup de livres de physique et dans presque tous les traités de météorologie. Malheureusement ces tableaux produisent le même effet que le phénomène qu’ils essaient de représenter ; on est ébloui, on admire tant que dure la lecture, et, une fois la dernière ligne achevée, il ne reste que peu de choses dans la mémoire, de même que le ciel, un instant illuminé, redevient, après la fin d’un brillant feu d’artifice, aussi obscur que devant.

Les aurores que nous avons eu l’occasion de contempler en France sont, en général, peu éclatantes : une lueur rougeâtre, d’une teinte sui generis, qui éclaire vaguement le nord du firmament, et c’est tout. Assurément, ceux qui voient journellement coucher le soleil dans nos climats et ceux, bien moins nombreux, qui ont l’occasion d’assister à son lever, peuvent facilement observer des teintes plus riches et des jeux de lumière d’un plus charmant effet. D’autre part, nous verrons que les contrées boréales sont loin de jouir toutes sans cesse d’apparitions très éclatantes. Pour admirer de belles aurores et en apercevoir souvent, il faut choisir le temps et les lieux. Nos descriptions ne s’appliqueront donc qu’à la zone la plus favorisée.

L’aurore boréale naît presque toujours dans la direction approximative du nord, non du nord géographique, mais vers le point où se dirige l’aiguille aimantée. En général, et comme début, il paraît à l’horizon un arc qui s’élève peu à peu en laissant au-dessous de lui un espace non éclairé, auquel on a donné le nom de