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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/673

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lumineuse qui se montre vers le sud (nous expliquerons plus loin la raison de cette anomalie apparente) et dont la forme est celle d’un arc. Elle devient plus éclatante, moins régulière, s’élargit et darde des rayons qui convergent sensiblement au point de la voûte céleste que percerait l’aiguille d’inclinaison prolongée indéfiniment. Les rayons constituent par leur ensemble les draperies dont il a été question plus haut. Cependant la couronne ne tarde pas à pâlir; elle disparait : l’obscurité règne de nouveau, mais pour cesser bientôt.

Ordinairement le météore naît vers un point déterminé de l’horizon, du côté du nord, comme nous l’avons dit, ou dans certaines régions, du côté du sud; mais, une fois qu’il s’est développé, il s’étend presque toujours et peut même gagner la direction opposée, tantôt par une lente propagation, tantôt comme si un violent coup de vent chassait la lumière dans un sens donné. Le ciel arrive donc à être embrasé dans sa presque totalité, et la gloire, constituée de rayons issus de tous les côtés, semble former une ouverture qui percerait la voûte céleste au-dessus de la tête de l’observateur.

Mais, répétons-le encore une fois, croirait-on avoir affaire à un seul et même phénomène quand on feuillette les divers récits de voyage et qu’on essaie de comparer les textes et les planches de leurs auteurs? Quel rapport ont les arcs réguliers, à courbure nette, concentriques les uns aux autres, souvent observés par Bravais[1], avec certaines anomalies étranges telles que l’aurore décrite par M. Fr. Whymper[2], dont on eût dit un immense serpent lumineux déroulant dans le ciel ses « replis tortueux ? »

Nous n’avons pas encore parlé des colorations éclatantes et variées que l’on peut admirer dans l’aurore boréale. Ainsi que l’aspect de celle-ci, elles se diversifient à l’infini. Maupertuis a pu contempler une teinte d’un rouge éclatant, en sorte que, d’après lui « la constellation d’Orion paraissait trempée dans le sang. » Le bleu, le vert, le jaune, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, nuances douces ou tons chauds, trouvent leur place ; et, dans certaines circonstances, on a cru démêler une loi dans ce chaos : la partie la plus basse est ordinairement rouge et la zone supérieure verte; entre les deux s’étend un segment incolore ou jaune.

Comment songer à dessiner exactement un météore si capricieux? quel peintre, quel aquarelliste se chargerait de reproduire ce pourpre,

  1. Nous ne parlons ici que des aurores ayant un certain éclat. La différence serait plus grande encore si l’on considérait aussi la « couronne ordinaire » de M. Nordenskiöld, dont il sera question plus loin.
  2. Tour du monde, 1809.