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Ainsi les émanations du soleil, ou, pour mieux dire, la couronne qui entoure ce dernier, venant, d’après Mairan, choquer notre atmosphère, illuminent notre globe. Mais il faut alors admettre que la matière de la lumière zodiacale éclaire par elle-même? C’est inutile, répond Mairan à cette objection : du mélange qui se produit dans l’air des régions supérieures il résulte une combinaison chimique, un précipité nécessairement lumineux[1]. La supposition est un peu hasardée et Mairan semble s’être trop avancé. Pourtant, il est indiscutable qu’alors, comme aujourd’hui, les aurores étaient plus fréquentes en mars et en septembre, époques où la lumière zodiacale paraît sous son maximum d’intensité. Enfin, chose curieuse, le Suédois Angstrôm (1867) et l’Italien Respighi (1872) ont constaté dans le spectre de la lumière zodiacale une raie verte identique avec une ligne de même couleur qui caractérise l’aurore boréale.

Mairan trouva un redoutable adversaire dans le célèbre mathématicien Euler. Celui-ci n’admettait pas l’hypothèse d’une immense atmosphère solaire; il ne croyait qu’à l’existence d’un anneau, — et en cela il n’avait pas tort. Seulement, il imaginait, pour expliquer le météore lui-même, une théorie assez peu claire, d’après laquelle les portions subtiles et raréfiées de l’air étaient chassées loin de la surface du globe par les rayons du soleil (l’hypothèse de l’émission régnait alors grâce à l’influence de Newton) et les particules devenues lumineuses (on ne voit pas trop pourquoi), donnaient lieu, à une certaine distance de la terre, aux phénomènes des aurores[2].


III.

Une vaste bibliothèque suffirait à peine pour contenir tous les mémoires et les notices publiés depuis soixante ans au sujet du phénomène des aurores boréales, sans parler des nombreux traités de physique, de météorologie ou d’astronomie qui leur ont consacré un ou plusieurs chapitres. Certains auteurs se sont bornés à la simple description de ce qu’ils avaient aperçu, au seul exposé de leurs théories, mais d’autres ont fait mieux. Alexandre de Humboldt a tracé dans son Cosmos un excellent tableau des notions que possédait alors la science au sujet des aurores, et l’Astronomie populaire

  1. Mairan fait observer que, la force centrifugée étant moindre vers les pôles qu’à l’équateur, les parties du globe situées sous les tropiques repoussent la matière étrangère qui s’accumule vers les hautes latitudes. Donc il ne devra guère y avoir d’aurores que dans les zones glaciales et tempérées, ce qui est exact.
  2. Ainsi Euler invoquait la théorie de Newton, et il était un adversaire de cette théorie.