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c’est le gouvernemens seul qui a le mérite de l’invention, qui a cru sans doute flatter les passons républicaines en relevant cette belle institution des counnissaires extraordinaires auprès des armées, et il a certes singulièrement réussi avec ses réminiscences de la convention transportées au Tonkin ! Ce qui était bien aisé à prévoir, en effet, n’a pas manqué d’arriver. A peine ces autorités diverses se sont-elles trouvées en contact, l’incompaiibilité s’est révélée, la discorde a fait explosion. Le commissaire civil a voulu, paraît-il, user de ses pouvoirs et exercer son ascendant sur la marche des opérations militaires ; le commandant de la petite armée du Tonkin s’est refusé à engager ses troupes d’une manière qui lui a paru compromettante, et le conflit s’est dénoué par le départ de M. le général Bouët, qui a pris le plus prochain paquebot pour retourner en France. On prétend aujourd’hui que le commandement supérieur aurait été donné au vainqueur de Hué, à M. l’amiral Courbet. Rien de mieux pour un instant ; mais ce n’est là, on le comprend bien, qu’un expédient temporaire destiné à couvrir l’irrégularité d’une situation. M. l’amiral Courbet, quel que soit son mérite, ne peut pas à la fois diriger son escadre et commander les opérations de l’armée de terre sur le haut du Fleuve-Rouge. Il faudra trouver un autre chef militaire. Quel général sérieux consentira à subordonner sa responsabilité, la sécurité et l’honneur de ses troupes à la décision d’un médecin de deuxième classe érigé en commissaire extraordinaire ? De sorte qu’après avoir paru se décider à agir avec quelque énergie il y a quatre mois, à la première nouvelle de la mort du malheureux Rivière, on en est arrivé là. On n’a rien fait, ou à peu près, parce qu’on ne pouvait rien faire avec des moyens insuflisans et des incohérences de commandement plus funestes que l’inaction elle-même.

A défaut des succès militaires quon n’a pas obtenus et qu’on ne pouvait guère obtenir avec de tels procédés, a-t-on été du moins plus heureux par la diplomatie depuis quatre mois ? La difficulté est de démêler au juste la pensée du gouverneuient, lequel n’est peut-être pas bien sûr lui-même de ce qu’il veut. Toujours est-il que, dans ces derniers temps, une négociation paraît avoir été suivie, non par M. le ministre des affaires étrangères, qui a saisi cette occasion pour prendre un congé et qui rentre à peine à Paris, mais par M. le président du conseil avec le représentant de la Chine, le marquis de Tseng. En quoi consiste cette négociation ? Évidemment notre cabinet a dû changer quelque peu d’opinion, s’il est vrai, comme on le dit, qu’il soit aujourd’hui disposé à accepter des conditions qu’il repoussait avec mépris il y a quelques mois. Il s’agirait, dit-on, d’une sorte de partage de domination ou d’influence entre la France et le Céleste-Empire, d’une combinaison qui, en étendant nos propres possessions, assurerait à la Chine elle-même plus d’avantages que ne lui en attri-