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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/759

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d’Attila; s’il témoigne tant de répugnance à rompre avec les libres penseurs qui gouvernent la France, Léon XIII se refuse à toute trêve avec la monarchie dont il habite la capitale. Au milieu de l’Italie unifiée, devant l’ennemi triomphant qui campe au pied de ses murs ouverts, le Vatican, sans espoir de secours du dehors, demeure comme une forteresse qui refuse de se rendre et de cesser le feu. Malgré ses défaites successives et l’abandon de ses anciens alliés, le saint-siège, loin d’accepter les conditions des vainqueurs, exige, pour négocier, qu’ils commencent par se retirer.

D’où vient cette persistante obstination à ne pas s’incliner devant les faits et à repousser des conditions que des vaincus pourraient trouver avantageuses ? Qu’y a-t-il au fond de cet inflexible Non possumus. encouragé par l’adhésion presque unanime de l’épiscopat? Est-ce rancune ou point d’honneur? Est-ce pieuse infatuation fondée sur de mystiques espérances en la prochaine intervention des puissances invisibles? Est-ce humaine confiance dans les retours de la fortune, calculs politiques sur l’instabilité des états et la mobilité des gouvernemens et des peuples? La situation du saint-père dans la Rome italienne est-elle aussi intolérable que se plaît à le répéter le circonspect successeur du véhément Pie IX? La politique de pacification inaugurée partout en Europe par Léon XIII est-elle hors de mise au sud des Alpes? En un mot, quel est le présent, quel est l’avenir que laisse à la papauté la sécularisation de Rome? De tous les problèmes posés par les révolutions contemporaines à la courte sagesse des hommes d’état et à l’ignorante présomption du siècle, il en est peu d’aussi délicats et d’aussi compliqués, parce qu’aucun n’offre autant de prise aux passions politiques ou religieuses et moins de prise à la force. Pour notre part, si nous osons l’étudier ici, c’est avec l’indépendante sincérité d’un esprit avant tout soucieux d’envisager les diverses faces des questions; c’est en spectateur ou en témoin, écoutant et laissant parler tour à tour les deux adversaires, gardant à l’un le respect auquel a droit plus que jamais dans son apparente déchéance la plus haute autorité morale du globe, et conservant pour l’autre la sympathie qu’impose à tout libéral un gouvernement qui d’une nation asservie a su faire un peuple libre.


I.

« Qu’avez-vous fait du pape et de la liberté de l’église? disent aux maîtres temporels de Rome les défenseurs attitrés ou les avocats officieux du saint-siège. Où sont vos promesses au monde catholique et de quelle façon avez-vous appliqué votre spécieuse devise