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épreuves publiques ; des inspections permanentes relèvent les lacunes et les défaillances ; la censure publique s’y attache. On peut critiquer l’enseignement de l’état ; comment critiquer des maisons fermées où personne ne pénètre ? L’enseignement public relève de tout le monde ; les maisons privées ne relèvent que des familles qui y ont leurs enfans. L’état a des programmes que tout le monde peut se procurer et discuter. Où sont les programmes des institutions particulières ? L’incident le plus frivole dans une maison d’état deviendra l’occasion d’une interpellation. D’innombrables petits désordres pourront avoir lieu dans mille maisons d’éducation privée sans que personne le sache. Si l’état commet des fautes dans le choix des directrices, tout le monde le saura ; si les professeurs choisissent mal leurs sujets de devoirs, s’ils manquent en quoi que ce soit aux règles de la convenance, le cri public les fera rentrer dans l’ordre. Tels sont les avantages d’un enseignement d’état, que l’on considère comme l’opposé de la liberté, mais qui, en réalité, relève beaucoup plus de l’opinion publique que l’éducation privée.

En résumé, comme le disait le vénérable M. Renouard, dont le haut esprit libéral ne s’est jamais démenti, « l’un et l’autre sexe ont des droits égaux à profiter des bienfaits de l’instruction, et l’universalité d’éducation n’existera parmi nous que lorsque le législateur aura pu étendre sur tous deux une égale prévoyance. Nous hâtons de tous nos vœux le moment où des expériences moins incomplètes permettront d’entreprendre utilement un travail au succès duquel la civilisation de notre pays est si vivement intéressée[1]. »


IV

Les principes précédens pourraient encore facilement être accordés par beaucoup de bons esprits amis du progrès ; mais il y a une objection capitale qui est au fond de toutes les attaques et qui est encore sous-entendue, lors même qu’on ne l’exprime pas. Cette objection, c’est que l’établissement des lycées de filles a été fait dans un esprit d’hostilité à la religion. Comme nous n’aimons pas à reculer devant les questions, nous dirons franchement notre avis sur celle-ci.

  1. Rapport à la chambre des députés, 20 mars 1833. M. Renouard ne parle ici à la vérité que de l’instruction primaire ; mais les paroles qu’il emploie sont assez générales pour s’appliquer à tous les degrés d’instruction. On voit d’ailleurs que les mêmes préjugés qui combattent aujourd’hui l’enseignement secondaire des filles s’appliquaient alors à l’enseignement primaire pour le même sexe. Ils n’ont pas plus de fondement d’un côté que de l’autre.