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se passaient. Quand, pour des raisons qu’il ne disait pas, le grand astronome désirait explorer un coin du ciel, il invitait les observateurs de service à vérifier sur une carte, qu’il leur remettait, la position des étoiles inscrites. « S’il apparaît, disait-il, la moindre discordance entre le ciel et le dessin, pressez ce bouton; averti aussitôt, vous me verrez accourir, et je me charge du reste. » Lorsque le reste devenait une découverte, l’observateur se plaignait, comme je ne sais quel capitaine du XVIe siècle, « d’avoir été de l’entreprise sans être de la prise. » On le défendait avec aigreur; le procède du maître était déclaré inique, et les journalistes, en prenant fait et cause pour l’observateur, eussent été bien malhabiles en ne faisant pas de la victime un savant plein d’avenir, un astronome éminent, qui sait? peut-être même un rival importun de son chef.

Le cas de M. Deprez est tout autre. Le Verrier se servait du travail, non des idées d’autrui. Lorsqu’il envoyait à Marseille le grand télescope de Foucault, il ne l’annonçait nullement comme une œuvre de l’Observatoire de Paris; il eût, s’il l’avait fait, mérité de justes reproches. Léon Foucault, prompt à la riposte, n’en aurait pas sans doute adouci la forme. M. Marcel Deprez, dans un cas semblable, hausserait les épaules et continuerait ses travaux. Lorsque ses machines marchent bien, il se trouve payé de ses peines.

Le problème à résoudre dans le wagon que M. Deprez nommait dynamomètre, était de représenter graphiquement le travail développé, pendant la marche, par le piston de la locomotive ; un coup d’œil rapidement jeté sur cet ingénieux et grand travail, en 1878 d’abord, puis en 1881, à l’exposition d’électricité, m’a laissé le souvenir d’une œuvre originale et pleine d’élégance. Trop de détails m’échappent aujourd’hui, et la notice rédigée par M. Deprez ne peut y suppléer. J’y lis, en effet, en y cherchant des renseignemens précis que je voudrais transcrite : « Il serait impossible de donner une idée même superficielle des appareils que M. Deprez fut obligé d’imaginer. » Reproduisons seulement cette autre phrase : « Le wagon figura à l’exposition universelle de 1878 et valut à M. Deprez une médaille d’or de collaborateur qui lui fut décernée collectivement avec deux ingénieurs de la compagnie. » L’analyse de ce beau travail aurait suffi pour montrer les ressources imprévues et variées de l’esprit inventif que nous étudions. Heureusement, pour les rendre évidens, nous n’avons que l’embarras du choix.


IV.

M. Marcel Desprez faisait un jour, devant quelques savans, l’épreuve d’un régulateur. Le compteur accusait dix tours par