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comparer le courant à un fleuve ; l’intensité correspond à la quantité d’eau débitée à travers une section transversale; elle est la même, en différens points, tant qu’aucun affluent ne l’augmente et qu’aucune dérivation ne la diminue. La tension peut être comparée à l’altitude, qui diminue quand on descend le cours de l’eau. Sans la différence des altitudes le fleuve resterait lac; sans la différence des tensions l’électricité resterait statique. Le danger des inondations dépend du niveau des eaux, le danger du choc électrique dépend de la tension. Le choc qui foudroie est une inondation d’électricité. C’est la différence des tensions extrêmes, qui, semblable à une hauteur de chute, détermine la naissance du courant; elle se nomme force électromotrice.

Un torrent impétueux, pour continuer le rapprochement, qui, avec un faible débit, balaie tout sur son passage, en tombant de la montagne à la plaine, présente l’image d’un courant de grande tension. Un fleuve large et profond qui, dans un lit presque horizontal, roule lentement d’immenses eaux, représente au contraire un courant de grande intensité. Le galvanomètre sert à mesurer les intensités. Il consistait, dans tous les cabinets de physique, en une aiguille aimantée très légère, dirigée par la terre ; le courant, par un grand nombre de circonvolutions, multiplie sur elle son action, et la déviation qu’il procure donne la mesure de l’intensité. M. Deprez a apporté à cet instrument indispensable de toutes les études électriques un perfectionnement de grande importance. C’est une maxime pour lui que, dans les instrumens de mesure, on doit accroître le rapport de la force mise en jeu à la masse qu’il faut mouvoir. L’action exercée sur un aimant est proportionnelle à l’énergie de l’aimantation. M. Deprez remplace, en conséquence, l’aiguille par une pièce de fer dite, à cause de sa forme, arête de poisson, placée entre les branches d’un puissant aimant qui la dirige énergiquement. On peut, grâce à cet artifice, obtenir en quelques secondes, avec grande exactitude, des mesures qui exigeaient plusieurs minutes. Le galvanomètre de M. Deprez est aujourd’hui complètement adopté.

La puissance de travail, l’énergie d’un courant, comme on dit, a pour mesure, sous quelque forme qu’elle se manifeste, le produit de l’intensité par la force électromotrice. L’énergie d’une chute d’eau a pour mesure le produit de la hauteur de chute par le poids de l’eau débitée.

L’intensité, à première vue, paraît tout régler. L’effet d’un courant, quel que soit l’usage qu’on en fasse, lui est proportionnel et dépend d’elle seule. Cela est vrai tant qu’elle se maintient; mais, par le travail, un courant s’affaiblit ; semblable sans cela au juif errant