tout à travers ces confidences, souvent gênantes pour le lecteur, et
qu’un Anglais qualifierait d’impropers, tel passage qui, par sa grâce
littéraire, sauverait les apparences, si c’était possible. Ainsi, parlant
de son fils, Mme Sand écrit : « Nous n’avons pas, lui et moi, les
mêmes idées sur toutes choses, mais nous avons ensemble de
grandes ressemblances d’organisation, beaucoup des mêmes goûts
et des mêmes besoins ; en outre, un lien d’affection si étroit qu’un
désaccord quelconque entre nous ne peut durer un jour et ne peut
tenir à un moment d’explication tête à tête. Si nous n’habitons pas
le même enclos d’idées et de sentimens, il y a du moins une grande
porte toujours ouverte au mur mitoyen, celle d’une affection
immense et d’une confiance absolue. » C’est par cette porte-là que
Chopin dut finalement se décider à sortir. « Tout fut supporté,
mais un jour, Maurice, lassé de coups d’épingle, parla de quitter
la partie. Cela ne pouvait pas et ne devait pas être. Chopin ne
supporta pas mon intervention légitime et nécessaire ; il baissa la
tête et prononça que je ne l’aimais pas. Quel blasphème, après
huit années de dévouement maternel ! » Dévoûment maternel ! et,
autre part : « On m’a dit qu’il m’avait appelée, regrettée, aimée
filialement jusqu’à la fin. » Mots cruels sur lesquels on insista trop
et que Chopin vivant eût désavoués avec indignation comme entachés de perfidie.
Cependant la révolution de février arriva et Paris devint momentanément odieux à cet esprit incapable de se plier à un changement quelconque dans les formes sociales. Libre de retourner en Pologne ou certain d’y être toléré, il avait préféré languir dix ans loin de sa famille, qu’il adorait, à la douleur de voir son pays transformé et dénaturé. Il avait fui la tyrannie, comme maintenant il fuyait la liberté. En avril 18/18, Chopin, se trouvant mieux, partit pour Londres. Néanmoins, avant de s’éloigner, il donna un concert dans les salons de Pleyel, où son public d’élite et ses amis entendirent ses derniers accens. Il s’était aussi rencontré dans une soirée avec Mme Sand et l’avait froidement éconduite. « Je serrai sa main tremblante et glacée et voulus lui parler, il s’échappa. C’était à mon tour de dire qu’il ne m’aimait plus, je lui épargnai cette souffrance et je remis tout aux mains de la Providence et de l’avenir. » À quoi elle ajoute philosophiquement cet aphorisme consolant dont semble s’être inspiré M. Chapu dans son bas-relief qui décore le monument