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même les charrues, les herses et autres outils agricoles. Ses longues tiges fistuleuses sont des tuyaux tout faits qui conduisent l’eau sur les terres ou dans l’intérieur des maisons, où mille objets sculptés en bambou attirent l’attention de l’étranger. M. Vidal a dressé une liste de ces usages multiples. M. Renard, jadis délégué du commerce français en Chine, avait rapporté une foule de curiosités fabriquées surtout avec le Bambou carré, dont il a orné sa retraite du parc d’En-bas dans la forêt de Rambouillet. Les voyageurs sont unanimes à nous représenter que, toute sa vie, comme l’a dit M. d’Hervey de Saint-Denis, le Chinois dépend du bambou ; la mort même ne l’affranchit point de cette dépendance ; on le porte au cimetière sur un brancard de bambous, et c’est encore le bambou qui, avec les pins, les sapins et les cyprès, jette sur sa dernière demeure l’ombre de ses rameaux.

Cette Graminée, nous l’avons vu, fait déjà partie des textiles, que nous ne faisons que rappeler. Mais c’est un textile médiocre. Le papier végétal, et celui qu’on nomme si improprement papier de riz, provient tant du Mûrier à papier, le Broussonnetia papyrifera, que d’une araliacée très voisine de celle qu’on cultive dans les jardinières sous le nom d’Aralia japonica, le Fatsia papyrifera. Le papier du Fatsia est fourni par la moelle de l’arbre, dont les cylindres sont découpés suivant une direction spiralée en plaques larges et minces qui sont ultérieurement égalisées et aplaties. Parmi les textiles proprement dits, on ne veut mentionner ici que le Chanvre, le Haricot-chanvre et le Cotonnier, auquel on doit les beaux tissus de Nankin. Une source moins connue du tissu fibreux est fournie par des Palmiers, par le Chamœrops, que les voyageurs nomment le Palmier à chanvre, bien voisin du Chamœrops qui donne en Algérie le crin végétal, et par un Caryota, le kuang-lang-tsu du sud de la Chine, dont le tronc contient aussi une moelle savoureuse. Dans le nord, l’Hibiscus tiliaceus est abondamment cultivé le long des cours d’eau, où il atteint une hauteur de 10 pieds, avec des feuilles de 1 pied 1/2 de diamètre, et sert à la confection des cordages. Il y a bien encore d’autres textiles en Chine ; nous en parlerons d’autant moins qu’ils ont été plus vulgarisés ; nous voulons parler des Orties de la Chine ou Bœhmeria, le China-grass et la Ramie[1], dont les feuilles fournissent une filasse apte au peignage et bien anciennement connue, s’il faut, avec M. de La Blanchère, lui rapporter le vers des Géorgiques :


Velleraque ut foliis depectant tenuia Seres.

  1. Voyez les Recherches sur l’agriculture et l’horticulture des Chinois, de M. d’Hervey de Saint-Denis, p. 172 et suiv.