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ou huit jours, et au premier rang, on peut en être sûr, figurera cette affaire du Tonkin, qui occupe toujours l’opinion, qui ne paraît nullement terminée, qui passe sans cesse, au contraire, par des phases nouvelles. Sur tous les points de notre politique, sur cette affaire du Tonkin comme sur bien d’autres, il y aura, selon toute apparence, des luttes singulièrement animées. On se dispose visiblement à demander compte au gouvernement de ce qu’il a fait et de ce qu’il n’a pas fait, de sa diplomatie et de ses combinaisons de guerre, surtout peut-être du mystère dont il semble se plaire à envelopper toutes ces opérations lointaines dans lesquelles il s’est engagé sans trop consulter le parlement. Ce qu’il y a de plus saisissable dans l’obscurité calculée où l’on nous laisse, c’est que, depuis quelques mois, on négocie incessamment avec la Chine sans pouvoir arriver à s’entendre sur des questions qui ne sont rien moins que faciles à définir et à préciser. Tantôt c’est la France qui présente un mémorandum, tantôt c’est de Pékin que vient un autre mémorandum. Le chef du foreign office, lord Granville, intervient à son tour, examine en médiateur conciliant toutes ces propositions diverses, et, en fin de compte, on reste au même point. Le représentant de la Chine, le marquis de Tseng, s’en va de temps à autre se promener en Angleterre, en attendant de nouvelles instructions. Seulement, et c’est ici que survient une péripétie inattendue, tandis qu’on négocie avec une persévérance couronnée de peu de succès entre Paris, Pékin et Londres, le commissaire civil français envoyé au Tonkin procède à sa manière. Il a déjà signé, au mois d’août, avec le gouvernement de l’Annam, une convention, le traité de Hué, qui a du moins le mérite de nous débarrasser d’une difficulté, et voici que maintenant il exerce sa diplomatie dans des conditions passablement singulières. Il vient, à ce qu’il semble, de traiter directement avec les chefs des Pavillons-Noirs, de ces bandes qui ont été la première cause de notre expédition militaire au Tonkin ; il aurait réussi à désarmer ces Pavillons-Noirs, à les reléguer sur le haut du Fleuve-Rouge, en assurant à la France des positions désormais à l’abri des attaques et des incursions. Si le commissaire français a pu obtenir une paix assez sérieuse, rien de mieux assurément. C’est un résultat tel quel. Seulement on se demande ce que peut bien être un traité avec ces Pavillons-Noirs, qui ont promené dans leurs bourgades la tête du malheureux Rivière, et on peut de plus se demander quelle influence peut avoir cette convention d’un nouveau genre sur le règlement de nos différends avec la Chine. Le gouvernement français, en dépit de tout ce travail lointain de diplomatie, n’a pas moins envoyé récemment encore quelques bataillons d’Algérie destinés à fortifier le petit corps expéditionnaire du Tonkin, et la vérité est que, dans tout cela, dans les négociations comme dans les opérations militaires, il reste bien des points obscurs que le ministère sera nécessairement obligé