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Enfin le ministère Ferry n’a pas été moins bien et moins heureusement servi par les événemens en ce qui concerne nos affaires dans l’extrême Orient. Des dépêches anglaises ont appris que les Pavillons- Noirs cédaient la place à nos troupes, que le delta était maintenant fortement occupé, et que le traité de Hué recevait sa pleine exécution avec le concours des mandarins annamites. La Chine elle-même modère ses prétentions, et n’attend plus pour traiter que l’issue de la lutte que doit engager dans quelques jours au parlement le parti radical contre le cabinet Ferry.

L’issue de cette lutte avait paru fort douteuse pendant quelques jours. Mais, depuis le milieu de la semaine, on est convaincu que le ministère l’emportera sans peine, et la Bourse a traduit à sa façon cette opinion par un mouvement de reprise assez vif, sur la solidité duquel on ne saurait se prononcer, mais qui a réparé en quarante-huit heures une partie du mal qu’avait fait la liquidation. Le 4 1/2 s’est relevé d’un demi-point et reste à 108.05, le 3 pour 100 a repris le cours de 78, l’amortissable se rapproche de celui de 80. Le Crédit foncier, que la baisse avait refoulé de 1,300 à 1,200 francs, a pu déjà revenir à l,240 francs. Les actions des Chemins français ont également remonté ; le Suez et la Banque de Paris, il est vrai, ne s’écartent pas beaucoup des plus bas cours cotés. La fin du mois est encore trop éloignée pour qu’on puisse parler d’une chasse au découvert qui rendrait le mouvement de reprise irrésistible. Il vaut mieux espérer que l’amélioration des cours réponde uniquement aux changemens favorables survenus dans la situation politique et se développera normalement si l’horizon politique achève de s’éclaircir et de se rasséréner.

Lorsque la chambre, après avoir repris ses séances, en aura fini avec les interpellations et les débats purement politiques et la lutte des partis, elle devra concentrer toute son attention sur les questions budgétaires, dont la solution est urgente. La commission du budget a déjà repris ses séances. Elle va recevoir communication des changemens que M. Tirard se propose d’apporter à la loi de finances de 1884. Le budget avait été établi d’après le nouveau système de M. Léon Say sur l’évaluation des recettes. Le rendement des impôts depuis le commencement de l’année n’a pas justifié pour toutes les catégories de recettes ce mode d’évaluation. L’enregistrement, le timbre et les douanes ont donné des moins-values qui atteignent déjà ensemble le chiffre de 45 millions environ. Il faudra donc ramener, pour 1884, les prévisions sur ces ressources de revenu à des chiffres plus faibles ; il en résultera une insuffisance, un déficit que l’on peut évaluer à 60 millions.

M. Tirard ne proposera, pour parer à ce déficit, la création d’aucun impôt nouveau, ni l’augmentation d’aucun des impôts existans. Il est question cependant d’une réforme dans le régime des boissons. Mais