Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
REVUE DES DEUX MONDES.

quoi l’apprécier, Callimaque. Il a fait de Callimaque le centre de son travail. Deux poètes de cette période ont été plus admirés de la postérité : Théocrite, de premier ordre dans son genre, et Apollonius de Rhodes. Mais Théocrite, bien que touché par l’alexandrinisme, le domine par son originalité, et il appartient à la Sicile plus qu’à l’Égypte. Quant au second, s’il garde sa place dans le Musée, il en fut presque banni pendant longtemps et il prétendit en secouer le joug. M. Couat les relègue donc tous deux au second rang, bien qu’il écrive sur Théocrite de jolies pages, où il nous paraît seulement exagérer l’influence alexandrine aux dépens des côtés supérieurs de ce poète. C’est Callimaque qui est son homme, ou plutôt l’homme de son livre. Ce n’est pas que d’ailleurs il ne nous donne d’intéressantes appréciations des élégiaques comme Philétas, des auteurs d’épigrammes comme Asclépiade, des épiques comme Rhianus, des poètes didactiques comme Aratus. Nous ne pouvons pas ici le suivre partout ; nous nous bornerons à deux points qui tiennent au fond de son principal sujet : la querelle de Callimaque et d’Apollonius, et la peinture de l’amour dans le second de ces poètes.


I.

M. Couat, que nous allons prendre ici pour guide principal, a étudié avec grand soin la querelle de Callimaque et d’Apollonius et il en a tiré une intéressante restitution des mœurs littéraires du temps. Au moment où elle commença, Callimaque approchait de la fin de sa longue carrière. Honoré et célèbre, bibliothécaire du Musée, il était considéré comme le chef de l’école alexandrine. Ses titres à cette haute situation étaient une érudition étendue et curieuse, l’élégance et l’esprit dans le maniement de la poésie. La liste fort considérable de ses œuvres comprend, avec les Tableaux, vaste répertoire bibliographique — en 120 livres ! — des auteurs qui se sont distingués dans tous les genres : éloquence, poésie, histoire, gastronomie et le reste ; des mémoires historiques et géographiques ; des recueils de merveilles et de curiosités naturelles dans tout le monde connu ; des listes de noms de toute espèce : noms de mois chez les peuples divers, noms d’îles et de villes, noms d’oiseaux et de poissons. C’est la part de la prose ; celle de la poésie s’en rapproche assez, car le principal ouvrage de Callimaque, celui qui a fait sa réputation d’élégiaque, est encore un gros recueil, intitulé les Causes, où sont réunis, en groupes méthodiques, des poèmes sur les jeux publics, sur les fondations de villes, sur les inventions célèbres, sur les sacrifices et les cérémonies religieuses. Il avait