composé aussi d’autres pièces, des épigrammes, des hymnes écrits pour des fêtes. Nous possédons six de ces hymnes, qui nous font apprécier son industrie de mythologue et de courtisan et son élégante facilité à manier le mètre et la langue poétique, en dorien comme en ionien. Enfin, son activité savante et littéraire s’exerçait encore par son enseignement, dont la matière était sans doute, avec les diverses branches de l’érudition, la grammaire et l’étude des textes.
On devine ce qu’un pareil poète pouvait penser de l’épopée, sujet qui donna naissance à la querelle en question. Son opinion, très nettement exprimée, était que cette ancienne forme, à laquelle Homère avait attaché son nom, n’était plus possible. Et, en effet, nous venons de le dire, la grande épopée, comme en général la grande poésie, n’aurait su où prendre son inspiration. Dans la religion ? Qui croyait alors aux mythes et aux légendes ? Qui même pensait sérieusement aux dieux ? La profonde piété de Pindare et d’Eschyle, comme la naïveté de la foi homérique, avait depuis longtemps disparu. La religion n’était plus qu’une matière littéraire ou un prétexte à spectacles. Dans le sentiment national ? Malgré une certaine analogie d’état littéraire et religieux, Virgile, tout pénétré de l’idée romaine, montrera la puissance du patriotisme, mais, à la cour des Ptolémées, ce mot n’a aucun sens ; assurément ce n’est pas là ce qui pouvait y ranimer la poésie épuisée. Les mœurs non plus ne se prêtent nullement à soutenir un effort poétique. Où sont ces conditions de simplicité, de grandeur morale, d’émotion facile et confiante qui doivent unir le poète et son public dans une communauté de sensibilité profonde ? Le temps de l’épopée homérique est donc bien passé. Prétendre y revenir, ce serait commettre à la fois un anachronisme et une faute de goût.
Voilà quel était l’avis de Callimaque. On connaît ce mot de lui : « Un gros livre est un gros fléau. » Il érigeait en théorie ce qu’il avait fait lui-même. S’il ne voulait pas de grandes compositions originales, s’il n’admettait que de petits poèmes écrits à l’intention des lettrés, capables de fournir un aliment à leur curiosité ou de leur plaire par l’habileté de la facture et par des agrémens extérieurs, c’est que tels étaient précisément les mérites de cette foule de récits et de légendes qui remplissaient le recueil des Causes. Ces légendes et ces récits, c’était l’antique matière de l’épopée traitée sous la seule forme qui désormais lui convînt. Ainsi pensait déjà Théocrite, dont on a souvent cité les vers contre ces émules impuissans, ces « coqs des Muses qui s’égosillent vainement en face du chantre de Chios. »
L’opinion de Callimaque était donc l’opinion dominante, et son
tome lx. — 1883.7