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d’autres peuples, venus du nord et se dirigeant vers le sud. Chaque invasion nouvelle refoule l’invasion de la veille, comme la vague de la mer précipite celle qui l’a précédée. Les Mayas, les Toltecs, les Aztecs, bien d’autres encore appartiennent à une même race, féconde entre toutes, la race Nahuatl, à qui l’Amérique centrale, probablement aussi le Pérou, ont dû une civilisation nouvelle, une véritable grandeur. Il est impossible de préciser le lien qui rattache ces peuples aux autres races américaines. Un seul fait nous frappe : les Nahuas, comme les Mound-Builders, plaçaient leurs teocallis[1] sur des pyramides tronquées, sur des collines artificiellement agrandies et revêtues de maçonnerie. Il y a là, avec les usages des Mound-Builders, une analogie qui ne saurait être fortuite ; mais ces nouveau-venus étaient évidemment plus avancés ; leurs temples, leurs palais, leurs monolithes, leurs statues, leurs bas-reliefs couvrent le Mexique, le Guatemala, le Yucatan, le Chiapas. Des régions entières, aujourd’hui envahies par le désert, par des marécages malsains, où l’homme trouve la fièvre et la mort, étaient aux siècles passés habitées par des populations nombreuses, et les hardis pionniers qui parcourent, la hache à la main, des forêts presque impénétrables, se flattant dans leur naïf orgueil de fouler les premiers ces terres vierges, voient se dresser devant eux des ruines, des sépultures, muets témoins de siècles écoulés, de peuples disparus !

Il est difficile de reconstituer le passé de ces peuples. La tradition veut que la monarchie toltèque ait été l’apogée de leur grandeur. Les premiers sur le nouveau continent, les Toltecs ont créé des routes, construit des aqueducs et des ponts; ils savaient utiliser l’or, l’argent, le cuivre, l’étain et le plomb, filer, tisser, et teindre des étoffes, bâtir avec des pierres liées par de la chaux. C’est à eux que l’on attribue l’invention de la médecine, et leurs rois entretenaient des hôpitaux où les malades étaient soignés gratuitement. La magnificence de ces rois était extrême, si nous en croyons les chroniqueurs espagnols. Le palais de Quelzacoatl renfermait quatre salles principales; les murs de celle de l’Est étaient couverts de plaques d’or finement ciselées ; la salle des émeraudes et des turquoises était à l’ouest, et partout on voyait enchâssées des milliers de pierres d’un éclat incomparable. Les murs de la salle du Sud portaient des ornemens en argent et des coquilles aux couleurs brillantes ; la salle du Nord enfin était en jaspe rouge travaillé avec un art infini. Dans un autre palais, les murs de chacune des salles disparaissaient

  1. Tel est le nom donné par les Mexicains à leurs temples; ils étaient toujours érigés sur des massifs de maçonnerie.