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état de conscience ou de sensibilité, ni dans la tête de l’automate ni dans ses membres. Ils résultaient de relations purement mécaniques entre les diverses pièces ajustées par le mécanicien. Il y a évidemment aussi, dans notre corps et dans tout organisme vivant, des transmissions de mouvemens toutes mécaniques : tels sont certains mouvemens des tendons pendant la marche, ceux du sang dans la circulation, etc. Même dans les nerfs, il peut se passer des phénomènes physiques ou chimiques de vibration, de nutrition, de désassimilation, qui, n’ayant pas de contrecoup suffisant dans le cerveau, demeurent pour le moi inconsciens. Enfin, dans le cerveau même, il peut se produire des changemens que le moi ne saisit pas, ou dont il ne saisit que le résultat et le total. Quand font défaut les conditions d’intensité et de durée nécessaires aux ondes nerveuses[1], la conscience ne s’aperçoit pas des changemens produits dans l’organisme, ou bien elle ne s’aperçoit que de leur somment non de leurs parties. Par exemple, si une addition de lumière est au-dessous d’un centième de la lumière primitive, nous savons qu’elle n’est pas perceptible. De même, si une succession de diverses impressions lumineuses est trop rapide et inférieure au temps nécessaire pour le discernement des différences, c’est-à-dire trois ou quatre centièmes de seconde, la distinction de ces impressions lumineuses s’effacera, et elles sembleront former un tout continu. Un rayon de lumière, dit Huxley, est en fait instantané, mais la sensation de lumière produite par ce rayon dure un temps appréciable, environ un huitième de seconde ; d’où il suit que, si deux impressions lumineuses sont séparées par un intervalle moindre, elles ne sont pas distinguées l’une de l’autre. C’est pour cela qu’une baguette lumineuse qu’on fait rapidement tourner en rond paraît comme un cercle de feu, et que les rayons d’une roue de voiture lancée à toute vitesse ne sont pas visibles séparément. D’après ces lois, on comprend comment les états de notre corps et de notre cerveau sont tantôt inconsciens, tantôt consciens. Les actions réflexes, par exemple, s’accomplissent et se succèdent plus rapidement que les perceptions. Elles exigent seulement cinq ou six centièmes de seconde, tandis que les perceptions des sens en exigent de seize à vingt centièmes. Chez certains animaux, les actions réflexes sont encore bien plus rapides : l’aile d’un moucheron bat de trois cents fois à mille fois par seconde, ce qui suppose une vitesse extrême d’actions nerveuses réflexes. Leur durée est toujours inférieure au temps nécessaire pour la conscience distincte. Il est donc des mouvemens, soit réflexes et instinctifs, soit habituels, dont les voies

  1. Voyez la Revue du 15 octobre.