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produit, un même mouvement peut avoir aujourd’hui des effets très divers et diversement utiles, qui ne sont pas pour cela des fins prévues. Par exemple, la contraction totale du corps peut, comme M. Schneider l’a montré, avoir pour effet : 1o l’éloignement du lieu d’un danger ; 2o l’acte de cacher et de préserver les organes les plus précieux ; 3o l’acte de se retirer (comme le colimaçon) dans une enveloppe protectrice ; 4o la projection au dehors de moyens défensifs. Ce mouvement de contraction totale se retrouve jusque chez les protozoaires et les zoophytes ; selon nous, il n’est besoin d’attribuer à ces êtres inférieurs ni une représentation consciente de l’étendue du danger ou de l’opportunité du mouvement, ni une représentation inconsciente de ces mêmes choses, comme celle dont parle M. de Hartmann ; il suffit d’admettre les deux élémens auxquels nous réduisons tous les faits de « volonté inconsciente : » 1o au point de vue psychologique, nous admettons une émotion de malaise, un sentiment d’irritation plus ou moins sourde qui existe dans les diverses cellules et se propage jusqu’aux cellules les plus centrales ; 2o au point de vue physiologique, nous admettons un mécanisme de contractilité qui, une fois établi par sélection, fonctionne dès que surgit une excitation extérieure. Compliquez ce mécanisme d’irritabilité et de contractilité, vous rendrez compte des actions les plus complexes dans les organismes supérieurs. Par exemple, l’ajustement de l’œil humain à la distance, dont M. de Hartmann et tous les partisans des causes finales admirent la rapidité et la précision, se produit au moyen d’un changement de convexité du cristallin et par une déviation de l’axe des yeux ; il n’y a là, de la part de la conscience cérébrale, rien de volontaire, il n’y a rien de conscient pour le moi ; c’est une série de réactions motrices répondant, dans les centres nerveux, à une sensation causée par la lumière. Ce phénomène est très propre à nous faire comprendre la nature de beaucoup d’actes instinctifs chez les animaux. Ces derniers possèdent même, en naissant, les intuitions de la distance et de la forme des objets, qui, chez l’homme, sont acquises. Certain poisson indien, dès qu’il est né, abat les insectes dont il se nourrit en leur lançant avec son museau une goutte d’eau qui manque bien rarement son but. L’étonnement que nous cause cet acte instinctif si remarquable, dit avec raison M. Maudsley, ne pourrait qu’augmenter si nous réfléchissions que les rayons lumineux, réfractés par l’eau, font apparaître l’insecte à une certaine distance du point où il se trouve réellement ; bien plus, la différence entre sa position réelle et sa position apparente est elle-même variable avec l’obliquité plus ou moins grande des rayons qui le font apercevoir au poisson. Mais M. Maudsley en conclut à tort qu’un tel acte doit être automatique. Il l’est, répondrons-nous, si on entend simplement par là que le calcul,