de Mme de Beaumont ; il avait été le secrétaire du père des Trudaine et avait fréquenté l’hôtel Montmorin. Cette ancienne école spirituelle, sans imagination, et ne sentant pas la supériorité, essayait de barrer la route; les barrières furent renversées. La Harpe, depuis quelques années brouillé avec les philosophes, préparait une réponse. Le Journal des Débats l’annonça : elle ne vint pas ; mais un plaisant, imitateur de Candide, s’avisa de ressusciter Atala en deux volumes et de la faire voyager. Fontanes avait souri de cette facétie ; pourquoi n’en donnerions-nous pas une analyse? Mme Ferval disait donc un jour : « Que je serais heureuse d’avoir Atala pour amie ! Quel plaisir de cultiver cette nature sauvage et de la rendre digne de la société ! » Et voilà tout aussitôt que l’on annonce dans son salon Mlle Atala. L’ange qui l’avait ressuscitée, avec Chactas et le père Aubry, leur avait ordonné d’aller dans la ville du vice, S’étant embarqués pour satisfaire à l’ordre céleste, ils avaient été séparés par une tempête, et la malheureuse Atala jetée dans une île déserte. Elle se rend à Bordeaux, puis à Paris. Nous ne la suivrons pas dans ses courses diverses ; elle visite Chateaubriand et assiste au bal des étrangers. Enfin, elle rencontre un beau matin le père Aubry, qui disait la messe dans l’église des Carmes. Chactas y était aussi; après la messe, ils s’embrassent dans la sacristie.
Si Chateaubriand et la société qui l’entourait n’attachaient aucune importance à ces travestissemens burlesques de choses quelquefois sublimes, les sœurs et les femmes qui aiment ne pardonnaient pas : Lucile et Pauline n’avaient pas ri. « La plaisanterie est plus étrange qu’offensante ; mais on cherche à imiter le style de notre ami, et cela me blesse. Le bon esprit de M. Joubert s’accommode mieux de toutes ces petites attaques que moi, qui justifie si bien la première partie de ma devise : « Un souffle m’agite. » C’est en ces termes que Mme de Beaumont donnait son avis à Chênedollé. La postérité a pensé comme Joubert et a ratifié les paroles de Fontanes. Lorsque Boileau avait publié une pièce de vers, il demandait à ses amis : « En a-t-on parlé? » Il croyait que ce n’est pas la critique, mais le silence, qui tue les livres. Si Boileau avait raison, le succès d’Atala fut complet : les suffrages des lettrés, les grossières plaisanteries de quelques-uns, lui avaient assuré une place définitive.
Après avoir publié des observations sur la littérature anglaise, particulièrement sur Young et Shakspeare, observations que lui avait suggérées Mme de Beaumont, Chateaubriand jugea que les circonstances étaient favorables au Génie du christianisme. Il pensait qu’une apologétique telle qu’il la concevait était celle que demandait l’époque et la seule qu’elle pût accepter; qu’on pouvait parler