d’intercéder auprès de Fontanes pour qu’il le défende en haut lieu contre les attaques de ses ennemis. Elle s’adresse en toute hâte, en effet, au président du corps législatif. Elle lui parle à la troisième personne[1].
« M. de Chateaubriand, qui ne veut point accabler M. de Fontanes de ses lettres, me charge de causer avec lui d’une sottise qu’ils viennent de faire, et de le prier de les aider à la réparer. Cette sottise consiste à avoir été faire une visite au pauvre roi de Sardaigne. Il ajoute : «Je suis tombé avec le cardinal, de sorte que le mal, qui après tout n’est pas un mal, est bien peu de chose. » Je ne sais pas si on en jugera ainsi ; je suis bien fâchée de partir sans avoir pu causer avec M. de Fontanes. J’espère que cette légèreté ne sera pas prise trop sérieusement, cependant je ne suis pas tranquille. M. de Chateaubriand a écrit à MM. de Talleyrand et d’Hauterive sur cette affaire. Comment l’auront-ils prise? Je demande pardon à M. de Fontanes. Je suis tellement excédée de fatigue que je ne puis relire ce griffonnage et qu’à peine j’ai la force de lui renouveler l’assurance de mes sentimens et de lui dire combien le souvenir des momens que j’ai passés avec lui me sera toujours cher. — MONTMORIN-BEAUMONT. »
L’affaire fut arrangée. Ce ne sera pas la seule faute que commettra Chateaubriand à Rome, mais c’est le seul appel qu’il fit à l’intervention de son amie. Les premières lettres qu’il lui écrivait étaient une sorte de délire des monumens et des déserts, « où la trace de la dernière charrue romaine n’a pas été effacée, des villes tout entières, vides d’habitans, des aigles planant sur toutes ces ruines ! Le pape a une figure admirable, pâle, triste, religieuse. Toutes les tribulations de l’église sont sur son front. « Pie VII l’avait reçu avec une bonté particulière, lui avait pris la main affectueusement, l’avait appelé son cher Chateaubriand, l’avait, fait asseoir près de lui et lui avait montré le Génie du christianisme ouvert sur sa table. Le grand artiste était tout entier à ses impressions, et il était prêt déjà pour sa célèbre lettre à Fontanes sur la campagne romaine.
C’était avec les plus pénibles efforts que Mme de Beaumont avait pu résumer cette correspondance à Joubert; elle n’avait presque plus assez de force pour dire à ce cœur droit et pur tout ce qu’elle sentait pour lui[2]. Elle ne partait pas, et Joubert la pressait ; elle était excédée au point d’attendre du repos de la diligence elle-même, et déjà elle en sentait le dégoût. Joubert n’entendait aucune explication ;