Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mégasthène et par Deïmacus, que la véritable capitale de l’Inde n’était ni sur les bords de l’Hydaspe, ni sur ceux de l’Hydraote : elle était sur les bords du Gange. Si l’on pouvait se promettre d’immenses avantages à commercer avec Pattala, c’eût été un coup de partie que de nouer avec Palibothra des relations directes. Que les Séleucides réussissent à détourner vers Palmyre, Damas et Antioche le trafic auquel la Mer-Rouge servait de canal, les Ptolémées perdaient immédiatement la principale source de leurs revenus. Les rois grecs de la Bactriane étaient aussi bien placés, mieux peut-être que les Séleucides, pour abréger la route et les fatigues des caravanes : il leur suffisait d’emprunter le cours de l’Oxus, qui se jetait alors dans la mer Caspienne ; sur l’autre rive, le Cyrus, l’Araxe et le Phase ouvraient aux marchandises un chemin facile jusqu’au Pont-Euxin. Ptolémée Philadelphe comprit la nécessité d’étudier de plus près la voie qui traversait ou bordait ses états : le canal de Suez voulut se défendre contre le chemin de fer de l’Euphrate et contre les entreprises moscovites. Dalion, Aristocréon, Bien, Basilis, Simonides furent envoyés en Abyssinie ; Timosthène doubla le cap des Aromates, promontoire bien connu aujourd’hui de nos marins, qui l’appellent, de son nom arabe, le cap Guardafui. Il descendit même la côte d’Afrique jusqu’à la hauteur de la pointe septentrionale de Madagascar, qui portait alors le nom de Cerné. Que résulta-t-il de cette double exploration ? L’intérieur de l’Ethiopie, la côte africaine, furent mieux connus sans doute, mais cent quarante-six ans après la mort d’Alexandre, quand Agatharchides rédigeait son routier de la mer Erythrée, les souverains grecs de l’Egypte ne faisaient pas encore un commerce direct avec l’Inde ; comme par le passé, ils recevaient les précieux produits de cette lointaine contrée par l’intermédiaire des Sabéens, dont leurs vaisseaux allaient chaque année visiter les nombreux comptoirs.

L’Egypte devint province romaine dans la trentième année avant notre ère. Dès qu’elle fut soumise, Auguste forma le projet d’étendre la puissance de Rome sur l’Arabie et sur l’Ethiopie. Il supposait que l’Arabie produisait les épices si recherchées sur le marché romain, que l’Ethiopie renfermait des mines d’or inépuisables. Dix ans après la réduction de l’Egypte, Gallus avait pénétré dans le cœur de l’Arabie ; Pétronius s’était avancé de 870 milles au-dessus de Syène, dans la partie la plus ignorée de l’Ethiopie. La reine des Éthiopiens se reconnaissait tributaire de l’empire ; le désert gardait aux Arabes leur indépendance. Parti du fond du golfe avec une armée composée de dix mille Romains, de cinq cents Juifs et de mille Nabatéens, Gallus, après quatre-vingt-six jours de marche, se trouva brusquement arrêté par une bicoque dont le manque d’eau ne lui permit pas de poursuivre le siège. Il dut battre en retraite ; au bout