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volonté accroître ou diminuer la quantité, et qui, suivant les belles expériences de M. le docteur Armand Moreau, leur sert à se mouvoir dans le sens vertical. Comme leur corps a, à très peu près, la densité de l’eau, la plus légère augmentation ou diminution de volume, produite par la distension des gaz ou par leur expulsion, suffit pour les rendre plus légers ou plus lourds que le milieu ambiant et les faire monter ou descendre. Grâce à cet ingénieux mécanisme, ils peuvent toujours rechercher les couches dont la température leur est le plus favorable. Si les poissons ne supportent pas le froid, la plupart ne s’accommodent pas mieux de la chaleur ; la truite meurt dès que l’eau atteint 25 degrés et le saumon ne peut vivre au sud du 40e degré de latitude nord. Les eaux situées à une trop grande altitude, comme celles de certains lacs des Alpes et des Pyrénées, soumises à une pression atmosphérique très faible ou exposées à se congeler pendant une partie de l’année, ne peuvent pour ce motif convenir à un grand nombre d’espèces.

Les poissons qui habitent nos cours d’eau sont ou sédentaires ou anadromes, c’est-à-dire migrateurs. Parmi les premiers, les plus répandus sont la carpe, la tanche, le barbeau, Is chevêne, le brochet, la lotte, la perche, la truite, le goujon et nombre d’autres moins recherchés et confondus sous la dénomination générale de poissons blancs. Parmi les seconds figurent le saumon, l’anguille et l’alose. Les uns habitent de préférence les eaux courantes des rivières et des ruisseaux ; les autres, les eaux tranquilles des lacs ou les fonds vaseux des étangs, mais sans en faire cependant leur demeure exclusive. Nous ne pouvons ici faire une description détaillée de chacune de ces espèces, et nous devons renvoyer le lecteur aux ouvrages spéciaux, notamment à celui de MM. Gervais et Boulart, dont nous avons déjà parlé[1]. Nous nous bornerons à dire quelques mots des mœurs des principales d’entre elles, pour qu’on puisse se rendre compte de l’opportunité et des moyens de les multiplier.

La carpe, originaire de la Perse, était connue des anciens, qui, parce qu’elle était exotique, l’ont prise longtemps pour un poisson de mer. Les Romains l’introduisirent dans les Gaules, et, au moyen âge déjà, elle peuplait les nombreux étangs exploités par les seigneurs et les couvens. Elle s’y propagea rapidement. On la rencontre aujourd’hui à peu près dans tous les cours d’eau de l’Europe. Comme elle ne se reproduit pas dans les eaux froides et qu’elle se repaît surtout de végétaux, de vers et d’insectes, elle préfère au séjour des rivières celui des étangs, dont la température est toujours relativement élevée et dont les fonds vaseux

  1. Les Poissons, par MM. Gervais et Boulart, 3 vol. in-8o. Paris, 1877 ; Rothschild.