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les avoir pour le roi et pour elle. » Elle citait la grande cuvette d’argent « qui n’a point sa pareille dans le royaume » et qui avait coûté dix mille livres; elle énumérait les tapisseries merveilleuses de Bruxelles rehaussées d’or et de soie, — parmi lesquelles sans doute cette belle tapisserie représentant la bataille de Pharsale, que le maréchal de Vieilleville acquit pour son château de Duretal ; — elle vantait encore les tapis de Turquie et de Perse, les fourrures de martre et de loups cerviers, les tableaux, les marbres les plus rares, les dentelles du point le plus recherché, le linge le plus beau et le plus fin qui eût été jamais tissé en France[1]. »

Mais devenir l’époux de la maréchale de Saint-André, c’était payer trop cher le don du château de Valéry. Condé en jugea ainsi. Pris d’une plus haute ambition, il voulut, tout en gardant la donation, couper court à de folles espérances par quelque grand mariage. L’idée de demander la main de Marie Stuart lui fut suggérée, tout porte à le croire, par le cardinal de Lorraine. Ce n’était pas sans intention que, quittant brusquement Nancy, l’habile cardinal s’était, le 30 décembre 1564, arrêté à Soissons, où, de son côté, se trouvait Condé sous le prétexte d’y voir sa sœur Catherine, abbesse de Notre-Dame. Un pasquil du temps y fait cette maligne allusion :


<poem>Le cardinal est plein de fraude Et, voulant assurer sa vie, Il fait au prince avoir envie D’épouser la reine d’Ecosse[2].


Le pasquil ne se trompait pas : Marie Stuart en a fait la confidence à sa tante la duchesse d’Archot : « J’entends que le prince de Condé m’a demandé à Madame ma grand’mère (Antoinette de Bourbon) et à M. le cardinal, mon oncle, à qui il a fait toutes les belles offres du monde tant de la religion que d’autres choses, et, pour cet effet, doit envoyer un gentilhomme de ce pays assez grand faiseur de menées, s’assurant qu’il fera tant avec les seigneurs de ce pays, qui sont de la religion des protestans, qu’ils me prieront d’y entendre[3]. »

Le bruit courut aussi qu’il avait été question également entre le cardinal et Condé de son mariage avec la veuve du duc de Guise et de celui de son fils aîné avec l’une des filles de la duchesse. Un rapprochement si intime des deux maisons de Bourbon et de Lorraine

  1. Bibliothèque nationale, fonds français, n° 17,881.
  2. Epistre du coq à l’âne, dans les additions de Le Laboureur aux Mémoires de Castelnau.
  3. Labanof, Lettres de Marie Stuart.