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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/692

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gosier en sortant d’un puits de charbonnage, et qu’on trouve presque toujours au fond de son verre un peu d’espérance. Encore ne faut-il pas abuser de ce genre de consolation, et on en abuse souvent.

Si excellent que soit leur outillage, les industriels du Hainaut, de Liège et du Brabant ont fort à faire depuis quelque temps pour tenir tête à la concurrence étrangère, et d’année en année le problème des nouveaux débouchés à trouver les préoccupe davantage. Ils sont placés entre deux grandes nations qui inclinent l’une et l’autre au système protecteur; ils ont surtout beaucoup de peine à lutter contre l’importation allemande. En combinant son nouveau régime douanier, M. de Bismarck s’est peu soucié du consommateur, il n’a eu d’attentions aimables que pour les fabricans de l’empire germanique, lesquels réalisent en Allemagne de si brillans bénéfices qu’ils peuvent déverser au dehors l’excédent de leur production et s’en défaire presque au prix coûtant. Ils gagnent tant chez eux qu’en vendant à l’étranger, ils se contentent de ne rien perdre.

Traqués par les Allemands jusque sur leurs propres marchés, les industriels belges doivent aviser sans cesse à diminuer le prix de revient par l’emploi d’appareils perfectionnés ou par la réduction des frais de transport. Ils souhaitent que le gouvernement leur vienne en aide, mais le moment est mal choisi. L’exploitation des chemins de fer de l’état a mis le trésor public en perte, et le dernier budget se soldait par un déficit. Les uns demandent des dégrèvemens sur les matières premières ; d’autres désirent que le gouvernement prenne des mesures pour créer une marine marchande à vapeur, qui établirait des services réguliers dans toutes les directions et reculerait les frontières du royaume aussi loin qu’atteindrai nt ses services. A son défaut, on voudrait voir se former une société libre de navigation, qui n’emploierait que des Belges et aurait des frets réduits pour les articles lourds. D’autres encore rêvent de s’ouvrir un marché dans leur voisinage en contractant une union douanière avec la Hollande.

L’émancipation de la Belgique a procuré de vives satisfactions à la fierté nationale, le patriotisme y trouva son compte; on était heureux de s’appartenir, mais l’industrie et le commerce souffrirent beaucoup. Le combustible, le fer, les machines, tout se plaçait en Hollande, tout s’en allait dans les ports, dans les grands travaux de l’état, dans les arsenaux, dans les colonies. La création du nouveau royaume mit en péril l’usine de Seraing, porta une profonde atteinte à sa prospérité; John Cockerill avait pour associé le roi Guillaume Ier. Heureusement on est souple, habile autant que laborieux et persévérant. On réussit à sauver la situation, on remplaça les débouchés perdus par d’autres plus lointains, mais aussi avantageux. Cependant, aujourd’hui que les vieux griefs sont oubliés, que l’ardeur des animosités s’est éteinte, on serait bien aise de renouer ; on se plaît à croire que les deux pays,