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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre.

Voici bien des années déjà, on le sait, que l’Europe se sent périodiquement agitée d’inquiétudes et de malaises provoqués par l’incertitude perpétuelle des choses, souvent exagérés par l’imagination ou par les calculs intéressés. Depuis quelque temps particulièrement, ces vagues appréhensions semblent avoir redoublé, comme si l’on se croyait à la veille de nouvelles et redoutables crises. Le sentiment de l’instabilité de Toutes les relations, du régime européen tout entier, s’est réveillé avec une sorte de douloureuse intensité, et les polémiques tapageuses, obstinées, souvent arrogantes et menaçantes de quelques journaux d’Allemagne n’ont certes pas peu contribue à ajouter au trouble des esprits, à propager cette contagion d’inquiétude et de défiance qui règne un peu partout. La crainte du lendemain, d’un inconnu gros d’orages, est devenue plus que jamais comme la maladie ou, si l’on veut, la préoccupation du jour en France aussi bien que dans la plupart des pays de l’Europe.

Il ne s’agit point sans doute, devant ce mal du moment, de se laisser aller à un pessimisme découragé et décourageant, de ne voir partout que conflits imminens ou catastrophes, de trop croire sur parole les médecins Tant-Pis de la politique, qui ne manquent en aucun pays. il ne faudrait pas non plus se faire de frivoles illusions, traiter tout à la légère et se reposer dans un vaniteux optimisme en fermant les yeux sur un état du continent qui a sûrement sa gravité. Ce qu’il y a de plus sensé, de plus viril, c’est toujours d’accepter la vérité telle qu’elle est, de voir les dangers là où ils sont, et, si l’on a commis des fautes, de savoir les reconnaître pour tâcher de les réparer. Il est certain que, dans ce mouvement européen, qui reste pour