Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/761

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

10 millions, et deux arrêts du conseil[1] ordonnèrent ensuite qu’elle serait fermée le 1er  octobre 1684. Il fallut donc pourvoir, au moyen d’un emprunt, au remboursement de la dette flottante qu’elle entretenait. Pour faciliter cet emprunt, Lepeletier imagina d’offrir 2,000 livres de rente à ceux qui, ayant souscrit pour 20,000 livres dans le dernier emprunt que Colbert avait contracté à 5 pour 100, — afin de convertir des rentes représentant un intérêt de 7 à 8 pour 100, — entreraient pour 16,000 livres dans la nouvelle opération. Par cette combinaison, un capital de 36,000 livres donnait droit à 2,000 livres de rente annuelle, ce qui élevait à 5 1/2 pour 100 l’intérêt, non-seulement du nouvel emprunt, mais de celui qui était déjà réalisé depuis plusieurs années. Pour rembourser une somme de 38 millions dont l’intérêt était servi à 5 pour 100, et emprunter 30 millions, les arrérages annuels de la dette furent augmentés de près de 2 millions 1/2.

Les dépenses de 1685 excédèrent le produit net des recettes de plus de 9 millions[2]. Les tailles furent augmentées de 3 millions, et cette augmentation fut suivie de plusieurs autres qui accrurent l’impôt et ses accessoires. Pendant les cinq années que dura l’administration de Lepeletier, la paix ne fut troublée que par quelques campagnes sans importance, et cependant les dépenses publiques s’élevèrent à 545 millions, tandis que les revenus nets ne dépassèrent pas 463 millions ; l’excédent des dépenses sur les recettes fut de 82 millions, et on y pourvut en empruntant 66 millions 1/2 et en se procurant 15 millions 1/2, soit par quelques expédiens alors en usage, soit par des anticipations sur le revenu des années suivantes. La dette, que Colbert avait réduite à 8 millions de rentes, était considérablement accrue, et le trésor était vide.

En 1689, quand éclata la guerre, que la ligue d’Augsbourg (en 1686) et la révolution d’Angleterre (en 1688) rendaient inévitable, « ce fut avec un trésor épuisé et obéré et avec l’aide d’une population n’excédant pas 20 millions d’âmes, qu’il fallut mettre sur pied et entretenir pour un temps dont on ne pouvait apprécier la durée, des armées comprenant de 3 à 400,000 hommes, et une flotte capable de lutter contre les marines réunies de Hollande, d’Angleterre et d’Espagne[3]. » Lepeletier s’empressa de demander au roi de le décharger d’un fardeau trop pesant pour ses forces, et il eut pour successeur (le 20 septembre 1689) Phelipeaux, comte

  1. Arrêts du conseil du 10 juin et du 8 août 1684. (Manuscrit inédit du ministère des finances.)
  2. Comptes de Mallet. — Les chiffres rapportés par Forbonnais (t. II, p. 15) font même ressortir un déficit de 11 millions.
  3. P. Clément, le Gouvernement de Louis XIV, page 228.