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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/856

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précieuse du commencement du XVIIIe siècle : elle vaut la peine d’être connue.

Le dernier biographe de Marivaux, le plus copieux et le mieux informé, M. Gustave Larroumet, parlant du premier roman de son auteur, Pharsamon ou les Folies romanesques, et voulant y voir une dérision des romans de Mlle de Scudéri, s’est demandé si vraiment il restait, après Molière et Boileau, quelque chose à dire des précieuses, ou même si seulement il existait encore, aux environs de 1712, des Cathos et des Madelon? Le Sage lui avait répondu par avance. Il y a quelque lieu de croire, en effet, que, si dans le Diable boiteux, si dans Gil Blas, si dans le Bachelier de Salamanque enfin. Le Sage avait obstinément poursuivi les précieuses de ses mordantes épigrammes, c’est sans doute qu’il y avait des précieuses, et que ni Boileau ni Molière n’avaient si bien tué les Cathos et les Madelon qu’elles ne continuassent après eux de se porter toujours assez bien. En réalité, les dernières années du XVIIe siècle ont été marquées par un retour imprévu de l’esprit français à la préciosité. Tous n’en sont pas morts ; quelques-uns en ont même vécu ; presque tous en ont été certainement atteints. La seule école des Regnard, des Le Sage, des Dancourt y a presque entièrement échappé. J’ose dire que ni La Bruyère ni Fénelon lui-même n’en sont tout à fait exempts. L’auteur du Petit Carême et celui des Lettres persanes en ont été l’un et l’autre diversement touchés, mais touchés plus à fond que l’on ne le voudrait peut-être pour leur gloire ; il y a des traces de préciosité dans les plus beaux, dans les plus éloquens sermons de Massillon ; il y en a dans l’Esprit des lois lui-même. Enfin, quant aux La Motte et quant aux Fontenelle, il n’a pas tenu à eux de ressusciter la génération des Benserade et des Voiture, en attendant qu’ils eussent achevé de former celle des Moncrif et des Marivaux. Les plaisanteries de Voltaire ont perpétué jusqu’à nous quelques-uns de ces logogriphes où se complaisait l’ingéniosité de La Motte. Dira-t-on qu’il fût plus ridicule à Madelon d’appeler un fauteuil « la commodité de la conversation, » qu’à La Motte d’appeler une haie « le suisse du jardin » dont elle défend l’entrée? ou à cette pauvre Cathos d’appeler un miroir le « conseiller des grâces, » qu’au même La Motte encore d’appeler la violette « la grisette des fleurs? » Mais c’est peut-être surtout chez Fontenelle qu’il faudrait aller chercher ses preuves, non-seulement dans les Madrigaux et dans les Pastorales, mais dans les Dialogues des morts et dans les Lettres galantes, que dis-je? jusque dans les Entretiens sur la pluralité des mondes et jusque dans les Éloges des académiciens de l’Académie royale des sciences. On me pardonnera la longueur d’une ou deux citations nécessaires :