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aux conservateurs, qui lui reprochent d’avoir déserté ses opinions anciennes, d’avoir renié son passé. Pour tenir tête à cette double opposition toujours menaçante, M. Vaanders manquait complètement d’expérience parlementaire, et ses adversaires ne laissaient échapper aucune occasion de lui créer des difficultés, de lui tendre des pièges. Ce vote qui l’a frappé toutefois n’était pas exclusivement dirigé contre lui. Si l’on se méfiait du ministre, on était plus animé encore contre le gouverneur-général des Indes, M. Jacob, que le cabinet a refusé de rappeler malgré une vive manifestation parlementaire provoquée l’an dernier par une certaine convention conclue avec la société des mines de Blitong. Le gouverneur et le ministre ont été atteints du même coup. Puis enfin, comme pour le moment l’état des finances n’est favorable ni aux Indes ni dans la métropole, comme les déficits ne font que s’accroître, la chambre n’a trouvé rien de mieux que de couper court par son vote à toute dépense nouvelle pour prévenir des augmentations d’impôts qu’on redoute. Elle a voulu imposer d’autorité la plus stricte économie. Depuis que la ratification du budget des Indes est soumise au parlement, c’est la première fois qu’il s’est trouvé une majorité disposée à user de ce moyen extrême d’un refus partiel du budget. L’incident ne manque pas d’une certaine gravité, et, comme l’esprit d’économie qui a inspiré le dernier vote doit inévitablement se manifester dans la discussion de toutes les autres affaires financières, la difficulté peut devenir sérieuse ; le ministère, qui a déjà eu de la ptine à se former il y a quelques mois, se trouve dans une situation assez critique avec toutes ces questions de finances, qui inquiètent les esprits prévoyans en Hollande, et un projet de réforme constitutionnelle qu’il s’est chargé de proposer.

Les majorités ministérielles ne sont pas plus faciles à rallier dans le parlement de La Haye que dans les autres parlemens. Si le chef du cabinet, M. Heemskerk, échoue dans l’œuvre qu’il a entreprise, il est bien possible que la direction des affaires passe à des conservateurs plus accentués, à ceux qu’on appelle là comme ailleurs des cléricaux. Il se peut aussi cependant que M. Heemskerk, qui, depuis son dernier retour au pouvoir, a déployé de sérieuses qualités politiques, réussisse à raffermir la situation et à sauver le ministère en sacrifiant quelques-uns de ses collègues. La Hollande, par sa sagesse, par son caractère tranquille, est un des pays les mieux faits pour donner l’exemple d’une certaine stabilité ministérielle, que les partis supportent toujours impatiemment, dont les intérêts ne se plaignent jamais.

CH. DE MAZADE.