Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Notablement agrandi par le tremblement de terre de Lisbonne, en 1755, le détroit s’élargit d’environ 6 mètres par an et a aujourd’hui une largeur de plus de 20 kilomètres. D’autre part, les flots jettent sur le rivage du golfe de Gascogne des sables incessamment renouvelés qui envahissent les terres, empêchent l’écoulement des eaux pluviales et provoquent sur tout le littoral la formation d’étangs ? et de marais, qui restent plus ou moins en communication avec la mer par des chenaux souvent comblés. L’océan est un grand niveleur, il abat les caps, envase les haies, comble les vallées et broie les rochers. C’est une force inconsciente qui, — comme le suffrage universel, — brise tout ce qui résiste et renverse tout ce qui s’élève.

Les mers sont habitées par une population nombreuse et variée d’êtres aux formes bizarres, dont les diverses espèces restent confinées dans les régions qui leur conviennent, et dont les aquariums, qu’on voit aujourd’hui dans toutes les grandes villes, permettent de se faire une idée. Ce sont d’abord les poissons, grands et petits, fusiformes ou aplatis, émigrans ou stationnaires, vivant la plupart de proies vivantes et se dévorant les uns les autres ; les crustacés, recouverts d’une carapace qui les protège contre leurs ennemis ; les mollusques, aux espèces innombrables, dont les uns restent fixés aux rochers que les marées baignent et découvrent alternativement ; dont les autres, abrités par des coquilles, gisent au fond des mers, ne faisant mouvoir que leurs valves pour absorber les imperceptibles animalcules contenus dans l’eau ; les zoophytes (animaux-plantes), les lithophytes (plantes-pierres), qui couvrent les montagnes et les vallées sous-marines de forêts de coraux et de madrépores aux inextricables rameaux ; les anémones, les actinies, dont les brillantes couleurs émaillent des prairies sans soleil ; les méduses, qui ne sont que des masses gélatineuses composées d’un assemblage de cellules à peine organisées ; enfin les infusoires, animaux microscopiques, qui contribuent à maintenir toujours identique la composition des eaux, en absorbant les sels que les fleuves y amènent et en transformant ces élémens solides : en coquillages dont l’amoncellement forme des couches calcaires d’une puissance prodigieuse. Ne pouvant vivre dans les eaux douces, ces animalcules meurent à l’embouchure des fleuves et sont la cause principale de l’insalubrité des estuaires.

La vie, dans les profondeurs de l’océan, est donc variée à l’infini, mais elle se simplifie à mesure qu’on s’enfonce. Tandis que les couches supérieures sont peuplées d’animaux vertébrés vivant au’ milieu de plantes et d’algues marines, à 2,000 mètres, on ne rencontre plus que quelques mollusques et rayonnes ; au-delà, toute vie semble avoir disparu. De cette multitude d’êtres, l’homme n’en’ a encore utilisé pour son usage qu’un bien petit nombre ; c’est de