Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et revient dans le grand Océan par le détroit de Behring. A la sortie du golfe du Mexique, le gulf-stream a une largeur de 60 kilomètres, une profondeur de 375 mètres et une belle couleur azurée qui tranche sur le vert de l’océan. Il a une température de 30 à 32 degrés, tandis que les eaux voisines n’ont que 22 à 24 degrés, et une vitesse de 7 à 8 kilomètres à l’heure ; mais l’une et l’autre diminuent à mesure que le courant s’éloigne de son point d’origine et que sa largeur augmente. Au large des côtes de France, sa température n’est plus que de 16 à 18 degrés, sa largeur de 600 kilomètres, sa profondeur de 1,000 à 1,500 mètres, et sa vitesse de 4 à 5 kilomètres ; sa couleur bleue se distingue alors à peine de celle des eaux qu’il traverse. C’est à ce fleuve d’eau chaude que la Bretagne, la Normandie, les îles Britanniques, la Belgique, les Pays-Bas, doivent leur climat humide et tempéré ; c’est grâce à lui que la Norvège et l’Islande sont habitables. Né sous les tropiques, là où la vie se développe avec le plus d’intensité, il charrie des myriades d’animalcules et de molécules organiques qui nourrissent dans son lit des légions de poissons, de crustacés et d’annélides.

Un courant secondaire se détache du gulf-stream à la hauteur du cap Finistère d’Espagne, s’infléchit dans le golfe de Gascogne en produisant des remous auxquels on attribue la formation des dunes landaises. Divers hydrographes pensent qu’un autre courant pénètre dans la Manche, suit les côtes de la Picardie, de la Belgique et des Pays-Bas, et va s’éteindre sur la côte allemande, à l’embouchure de l’Elbe.

Tous ces mouvemens des eaux modifient sans cesse non-seulement le relief du fond des mers, mais aussi les contours des rivages. Avec les matériaux qu’ils enlèvent aux terrains qu’ils traversent, les fleuves comblent les vallées sous-marines et forment des couches nouvelles qui se superposent aux anciennes et qui paraîtront peut-être quelque jour à la surface. Les falaises battues, pendant des siècles, par les flots qui minent leur base sans jamais se lasser, finissent par s’écrouler, et leurs débris, entraînés par les courans, vont sur quelque autre point du littoral créer des barres et des lagunes. C’est ainsi que le Pas de Calais s’élargit de 2m,14 par an et que les matériaux arrachés à nos côtes s’accumulent dans la Mer du Nord, en face de la Hollande, en atterrissemens continus. Le détroit de Gibraltar est relativement récent. L’Afrique, autrefois réunie à l’Espagne, enfermait les eaux de la Méditerranée, qui était alors un lac d’eau douce. A la suite d’un cataclysme, la digue se rompit, et l’océan envahit le bassin intérieur en inondant les côtes basses de l’Espagne, de la Provence, de l’Asie-Mineure, de l’Egypte, de façon à former un bassin de 200 millions d’hectares.