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lavis à l’encre de Chine, suivant un procédé généralement usité à cette époque, nous montrent des figures d’une élégance un peu maniérée et quelques paysages, — des monumens ou de hautes murailles encadrées d’une riche végétation, — faits évidemment d’après nature avec cette facilité banale qui, chez les peintres d’alors, était assez répandue.

Pour devenir l’élève de Tassi, Claude, pressé par le besoin, avait dû se contenter auprès de lui de la plus humble situation. Outre la préparation de ses couleurs, le nettoyage de ses pinceaux et de sa palette, il lui fallait s’occuper du service de la maison, qui comprenait, avec les soins à donner au maître, le pansage d’un cheval que celui-ci avait à l’écurie Sandrart, à qui nous devons ces détails, les tenait de son ami lui-même, qui, loin de rougir de ces souvenirs, prenait plaisir à les rappeler alors qu’il avait déjà acquis quelque célébrité. A défaut des leçons de Brill, à ce moment trop âgé pour avoir encore un atelier, Claude retrouvait du moins quelque chose de ses enseignemens chez Tassi, qui, après avoir été l’élève du vieux maître, devait avoir conservé avec lui des relations. Par sa bonne volonté, par les dispositions qu’il avait manifestées, le jeune domestique s’éleva peu à peu au rang de collaborateur, et son talent fut utilisé par son patron dans la décoration de palais où les frères Brill avaient laissé eux-mêmes des ouvrages importans dont la vue et l’étude pouvaient lui être très profitables. Mais, en 1621, Tassi, ayant perdu son protecteur par la mort de Paul V, se trouva lui-même dans une situation fort difficile. La part de collaboration et sans doute les gages qu’il était en état de donner à son factotum en furent naturellement fort réduits. Pressé de nouveau par la misère, rebuté par l’impossibilité où il se voyait da se consacrer, comme il l’aurait voulu, de plus en plus à son art, c’est alors que Claude conçut l’idée de retourner dans son pays, où il espérait trouver un emploi plus honorable et plus fructueux de son talent.

La cour de Lorraine jouissait alors en Europe d’un renom de luxe et de goût que ses ducs s’appliquaient à mériter. Imitant ces voisins de Bourgogne dont ils avaient si efficacement contribué à abattre la puissance, ils avaient inauguré à leur tour ces traditions d’élégance et d’amour des arts qui, jusqu’à Stanislas, devaient se continuer dans leur capitale. Ils ne cessaient pas d’attirer auprès d’eux des artistes célèbres, ou d’encourager ceux qui étaient nés dans leurs états. Un plan de la ville de Nancy, daté de 1611, vante « les architectes, tailleurs de diamans, rubiz et pierreries, peintres, sculpteurs, statuaires, brodeurs et tapissiers de haute lice fort expertz » qui à cette date y exerçaient leur profession. Après avoir produit un sculpteur tel que Ligier Richier, la Lorraine comptait alors des peintres et des graveurs comme Bellange, Deruet, Henriet et