qui leur était octroyé, le vin payé par eux coulait à flots. Sandrart et Le Blon n’eurent garde de manquer à cette tradition. Quarante convives vinrent s’asseoir au banquet organisé à ce propos, et, dans la réception qui suivit, une décoration symbolique installée par leurs soins obtint beaucoup de succès et fit grand bruit. On y voyait figurer, au sommet du Parnasse, Apollon et les Muses, auprès desquels Mercure introduisait la Poésie, la Peinture et la Sculpture. Enfin, pour clore la soirée, des pièces d’artifice éclatèrent au milieu des vivats des assis tans.
Ayant ainsi largement payé sa bienvenue et fait avec son amabilité habituelle les honneurs de la fête, Sandrart pouvait désormais frayer avec le monde des artistes. Mais, quelle que fût sa curiosité pour les monumens et les œuvres d’art, le jeune homme entendait bien aussi profiter pour son talent de cette nature italienne qui, dès l’abord, l’avait complètement séduit. Sans viser à devenir paysagiste, il trouvait dans la campagne romaine une foule de détails pittoresques qui pouvaient servir heureusement de cadre à de grandes figures ou à des scènes historiques. Les environs de Tivoli lui fournissaient en abondance ces élémens d’étude dont il cherchait à remplir sa mémoire et ses cartons. C’est là qu’un beau jour, parmi les rochers, il eut occasion de rencontrer Claude. Entre les deux jeunes gens la connaissance fut bientôt faite, et l’intimité devint étroite. On échangeait ses admirations, ses confidences au sujet des procédés de travail. Ceux de Claude étaient, à son gré, restés jusque-là fort insuffisans. Il s’était contenté d’abord de dessiner en face de la nature au crayon, ou à la plume s’il voulait préciser davantage les formes, avec quelques teintes plates d’encre de Chine ou de bistre pour indiquer les valeurs. Jugeant ces indications trop sommaires et désireux de pousser ses études dans le sens d’une vérité plus complète pour la couleur, il avait, par la suite, imaginé un mode de notation assez compliqué, mais dont, à force d’observation et de persévérance, il avait encore su tirer de bons effets. Levé avant l’aube, il restait parfois jusqu’au cœur de la nuit dans la campagne afin d’étudier ses aspects aux diverses heures du jour, épiant avec amour les modifications que subit un même paysage depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher. A côté des dessins qu’il faisait alors pour étudier les formes et les relations d’ombre et de lumière que lui offrait la nature, il préparait aussi sur place, d’après les teintes mêmes de la réalité, des tons qu’il utilisait dans ses tableaux, puis rentrait en hâte à son atelier pour conserver la vivacité de ses souvenirs. Le procédé était compliqué ; il exigeait du temps des efforts obstinés, des lenteurs peu compatibles avec les nécessités d’une vie assez misérable. Sandrart, instruit sans doute par ce qu’il avait vu faire aux paysagistes hollandais, était en possession de moyens