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triérarques d’Athènes, le patron et l’armateur : au navarque incombait le soin d’exercer journellement les pilotes, les rameurs et les soldats.

Végèce énumère les diverses espèces de liburnes dont on faisait usage : unirèmes, birèmes, trirèmes, quadrirèmes, quinquérèmes : « Qu’on ne s’étonne point, ajoute-t-il, de rencontrer tant de rangs de rameurs à bord d’un vaisseau. N’a-t-on pas vu combattre à la journée d’Actium, de bien plus gros navires, des sexirèmes et peut-être mieux encore ? Les trirèmes seules sont dans la juste mesure. » Les grandes liburnes étaient d’ordinaire accompagnées de brigantins ou de frégates, — scaphœ exploratoriœ. — Ces navires légers qui semblent avoir été originaires des côtes de Bretagne, étaient des galères non pontées à vingt rames de chaque bord. Les Romains les nommaient les bateaux peints. On s’est efforcé, en effet, de dissimuler leur approche quand ils vont à la découverte, en leur donnant la couleur de la mer : coque, voiles, gréement, casaques des matelots ou tuniques des soldats, on a tout peint en vert.

Le succès dans les batailles navales dépend, suivant Végèce, du zèle du navarque, de l’habileté des pilotes, de la vigueur de la chiourme : « Ces batailles, remarque-t-il avec raison, se livrent généralement en temps calme ; les liburnes n’y déploient pas leurs voiles ; ce sont les bras des rameurs qui mettent la masse en mouvement ; c’est l’impulsion des rames qui enfonce le rostre dans le flanc du navire ennemi, c’est encore elle qui soustrait la liburne au choc dont on la menace. L’énergie de la vogue et l’adresse du pilote à manœuvrer le gouvernail décident de la victoire. »

L’émule de Turenne, le célèbre Montecuculli, et le chevalier de Folard faisaient, paraît-il, grand cas du livre de Végèce ; je n’accorderai pas, pour ma part, la même estime au livre V de cet ouvrage, livre dans lequel Végèce traite de la science navale. Végèce me paraît confesser, dès le début du premier chapitre, son incompétence sur un sujet qui ne fut jamais, d’ailleurs, familier aux Romains : « La mer, dit-il, est depuis si longtemps pacifiée que je puis passer rapidement sur ce qui la concerne. » La rapidité ne devrait pas exclure, en pareille matière, la précision et l’exactitude. Végèce nous apprend cependant qu’on se sert dans les combats de mer de toutes les sortes d’armes dont on fait usage sur terre ; « on y emploie même, ajoute-t-il, les machines qui garnissent, pour la défense des places, les murailles et les tours. » Les soldats sont aussi munis d’armes défensives ; ils portent généralement, l’armure complète, ou tout au moins la demi-cuirasse, avec le casque et les jambières. Leurs boucliers doivent être assez solides pour résister aux volées de pierres dont l’équipage sera très probablement assailli, assez larges pour préserver ceux qui les portent de l’atteinte des faux et des harpons. Le combat débute généralement par une grêle