Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/664

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces albumines, substance de nos muscles, et siège de la vie. Différentes en tous points des minéraux, souples et élastiques, modèles des corps colloïdes, que Graham oppose aux cristalloïdes, celles-ci se plient aux formes arrondies des animaux et des plantes, et ne s’enferment jamais entre les arêtes aiguës, les lignes géométriques et les plans de clivage d’un cristal. Ce ne sont pas les sucres dissous dans le liquide où baignent les cellules des fruits. Ce sont des corps beaucoup plus simples résultant de la décomposition des albumines ou des sucres. Lorsque ces substances sont abandonnées à une lente destruction, l’édifice compliqué élevé par la vie ne se démolit pas tout d’un coup. Il passe par plusieurs états. Il perdra quelque partie constituante, quelque pierre angulaire, mais il retrouvera chaque fois un nouvel équilibre. Ainsi, la molécule complexe de l’albumine peut se dédoubler en deux molécules plus simples donnant des corps solubles et cristallisables. La plus simple de ces albumines dédoublées, c’est l’urée, qui se transforme enfin en carbonate d’ammoniaque, sel minéral. Ainsi encore, les sucres fournissent, par fermentations successives, l’alcool, l’acide acétique, enfin l’acide carbonique et l’eau. — Or la synthèse n’a reproduit jusqu’à présent que des résidus de combustion, des corps déjà en voie de décomposition et de retour au règne minéral. Jamais ces corps nommés hémiédriques, qui ont une droite ou une gauche, des cristaux droits ou des cristaux gauches, et dont la solution intervertit à droite ou à gauche le plan de la lumière polarisée ; jamais ces corps organiques supérieurs dont les étonnantes propriétés ont été si bien étudiées par M. Pasteur, jamais enfin les sucres, ni les albumines, n’ont pu encore être obtenus par synthèse. Aussi, les plus habiles opérateurs de synthèses organiques ne songent pas à prétendre que les forces physiques mises en jeu dans leur laboratoire aient pu jamais produire, en se manifestant à travers les révolutions de l’univers, les amas de matière végétale enfouis dans les houillères. L’œuvre de la vie n’est pas méconnaissable. Des forêts détruites ont été recouvertes par un sol nouveau. Elles ont été comprimées, comme des herbes qu’on dessèche entre les feuillets d’un livre ; et plusieurs feuillets de ce livre gigantesque se sont retournés et appesantis sur elles. Elles se carbonisent lentement, et les lois de leur décomposition sont peu connues. Peut-être subissent-elles une sorte de lente fermentation, en exhalant peu à peu ces gaz hydrocarbonés explosibles, ce feu grisou, que redoutent les mineurs.

Toutes les houilles que nous connaissons ne sont pas arrivées au même degré de décomposition. L’anthracite, que l’on tire des terrains les plus anciens est du carbone presque pur. Les houilles qui se trouvent dans les couches plus récentes de l’écorce terrestre contiennent, en outre, de nombreuses substances composées. Ce