Les huiles lourdes, on l’a vu déjà, quand elles sont abandonnées au froid, laissent déposer des corps solides. Ces corps sont soumis à la presse et forment des masses, des gâteaux, contenant beaucoup de cristaux de naphtaline ; mais la naphtaline n’y est pas seule. Si l’on élève la température à 250 degrés, la naphtaline et des corps huileux, mal définis, se sépareront par distillation. Il restera de l’anthracène, mêlé d’impuretés dont on pourra le débarrasser de deux manières. Des huiles de pétrole très légères dissoudront les impuretés sans dissoudre l’anthracène : ce sera un lavage véritable. Au contraire, les huiles légères du goudron, les huiles de naphte, n’attaqueront point les impuretés et dissoudront l’anthracène : ce sera un moyen de l’obtenir cristallisé.
Les gâteaux, sortis de la presse, contenaient 30 ou 40 pour 100 d’anthracène. C’est sous cette forme, et sans pousser le travail plus loin, que les grands distillateurs de houille, tels que la Compagnie parisienne du gaz, ou la Gaz Light and Coke Company de Londres, livrent ordinairement l’anthracène au commerce[1]. Malheureusement ces produits passent généralement en Allemagne, où sont les plus grandes et les plus belles fabriques de rouge. L’agriculture française avait beaucoup perdu en perdant la culture de la garance : il est fâcheux que l’industrie française n’ait pas su recueillir tout l’héritage. Pour les couleurs d’aniline, les découvertes et les progrès se sont accomplis dans les ateliers de MM. Pelouze, Coupier, Verguin, Poirrier, Dehaynin. Depuis la découverte de l’alizarine, il semble que l’élan se soit ralenti en France ; nous n’entendons plus que les noms allemands de Graebe, Liebermann, Limpricht, etc. ; et la teinture des uniformes de nos soldats est le plus souvent préparée dans des usines d’outre-Rhin.
Lorsque l’anthracène est à peu près purifié, on le soumet à l’action de corps oxygénans et on obtient par précipitation l’anthraquinone. Ce procédé direct a fait de notre carbure d’hydrogène un corps ternaire et l’a combiné à une certaine dose d’oxygène que nous ne pouvons augmenter : pourtant l’alizarine est plus riche en oxygène que n’est l’anthraquinone. Comment fera-t-on subir à cet anthraquinone un second degré d’oxydation ? Par un procédé indirect : il s’agit de retirer de la molécule des atomes d’hydrogène et de substituer à ces atomes des molécules contenant de l’oxygène.
Cette substitution ne s’opère pas en une seule fois. Les premiers auteurs de la synthèse de l’alizarine réussirent à mettre le brome à la place de l’hydrogène, puis les élémens de l’eau à la place des atomes de brome. Mais le brome coûte assez cher : les fabricans
- ↑ L’anthracène de la Compagnie parisienne est à 50 pour 100.