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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier.


La vie parlementaire a ses ironies, ses piquantes coïncidences. Il n’y a que quelques semaines, à la veille de la session nouvelle, et sans doute pour souhaiter la bienvenue à l’année qui commençait, on a cru devoir réveiller tout à coup cette question de la révision constitutionnelle à laquelle personne ne songeait pour le moment. Ce que vise toujours ce mot de révision, on le sait bien, c’est le sénat et pas autre chose. Ce que se proposent pour le moins les révisionnistes les plus modérés, c’est de diminuer le sénat sous prétexte de définir ses attributions, de le désarmer surtout de ses prérogatives financières en le reléguant dans le rôle ingrat et effacé d’un conseiller impuissant et inutile. Il peut y avoir des nuances chez les révisionnistes ; au fond, la pensée est à peu près la même. Le sénat, c’est toujours plus ou moins l’ennemi ! Si l’on ne fait pas plus de réformes, s’il y a des souffrances, dans l’industrie, dans le peuple, — on le disait encore l’autre jour, — c’est que le sénat est là, éternel obstructionniste qui empêche tout ! Le sénat n’est bon qu’à enrayer le progrès. Il n’est qu’un rouage encombrant ou superflu dans la constitution. La chambre des députés seule suffirait à tout !

Eh bien ! c’est ici que l’ironie des choses se dévoile. La fortune parlementaire a voulu justement que, dans ces dernières semaines, aux mêmes heures, il y eût concurremment dans les deux assemblées, au Luxembourg et au Palais-Bourbon, deux discussions sur les intérêts les plus sérieux, les plus pressans du pays. Au sénat, c’est la situation ! financière qui a été abordée, scrutée jusqu’au fond, examinée tout entière à propos du budget extraordinaire, qui vient d’être