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l’amortissement de sa dette. Depuis la guerre de la sécession, les États-Unis n’ont eu d’autre préoccupation que d’éteindre leur dette ; ils l’ont déjà éteinte à moitié par une énergie qui ne s’est arrêtée devant aucune difficulté. La France n’est point sans doute dans les mêmes conditions ; elle a des dépenses que n’ont pas ces grandes nations. Elle a surtout une armée puissante à entretenir pour sa sécurité, pour la dignité de son rôle européen ; mais c’est, à ce qu’il semble, une raison de plus pour qu’elle ne gaspille pas ses ressources dans des entreprises de fantaisie ; au risque d’être surprise, un jour ou l’autre, par des événemens qui la trouveraient avec un crédit d’avance épuisé. — La vérité est qu’il y a deux politiques financières pour notre pays. Il y en a une, celle de ces dernières années, celle de M. Freycinet, qui se résume dans le déchaînement des dépenses, dans l’emprunt perpétuel. Il y en a une autre, celle de M. Buffet, de M. Bocher, peut-être de M. le ministre des finances lui-même, s’il osait l’avouer, qui croit que le moment est venu de s’arrêter, de mettre un frein aux dépenses démesurées ou inutiles. Les deux systèmes se sont trouvés en présence pendant quelques jours au Luxembourg, et il est clair que devant l’opinion, pour tous les esprits réfléchis, la politique de raison, de prévoyance est restée victorieuse. C’est l’honneur et la moralité de ce brillant et utile débat.

Transportez-vous maintenant au Palais-Bourbon, ce théâtre d’une autre représentation parlementaire. Autant la discussion du sénat a été instructive et forte, autant la discussion qui s’est engagée à la chambre des députés, qui n’est point encore arrivée au dénoûment, semble traînante et confuse. Ce n’est point certes que la question soulevée, par une interpellation assez vague, manque de gravité ; elle est, au contraire, des plus sérieuses, et elle touche aux intérêts les plus divers, on pourrait dire aux ressorts de la prospérité publique. Il s’agit de la crise des industries, des souffrances de toute une population laborieuse, des conditions du travail, de la situation économique tout entière ; il s’agit des chômages, des grèves, des salaires, des relations des ouvriers avec les patrons. — Que la crise existe, non-seulement à Paris, comme a semblé le dire M. le président du conseil, mais un peu partout, dans l’agriculture comme dans l’industrie, cela n’est pas douteux, et elle a des causes nombreuses, aussi complexes que délicates, qui varient avec les régions, avec les industries. De toutes ces causes, il en est qu’il n’est point impossible de saisir parce qu’elles tiennent à des phénomènes précis, les charges qui pèsent sur l’industrie, le régime commercial, le renchérissement universel. Il y a d’autres causes qui sont d’une nature moins saisissable, parce qu’elles tiennent à tout un état moral, à des dispositions maladives dans une partie de la population. Il est certain que, depuis quelque temps surtout, les excitations révolutionnaires, les propagandes socialistes ont repris une influence redoutable et meurtrière. Elles ne créent pas !