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religieux), on lui fit faire une pénitence moins généreuse que celle de La Vallière, comme sa faute avait été moins touchante[1].

Rien, dès lors, ne s’opposa plus à l’union des deux influences, ou, si l’on veut, des deux intrigues qui tendaient, au moins pour le premier moment, au même but. Il ne restait plus qu’à trouver un intermédiaire pour les rapprocher. Ce genre d’officieux n’a jamais manqué, pas plus autrefois dans les cours qu’aujourd’hui dans nos couloirs parlementaires ; mais cette fois celui qui se chargea de ce rôle ne fût pas moins qu’un prince de l’église, ce même cardinal de Tencin que Fleury avait fait venir de Rome pour l’associer à son pouvoir, en le désignant en quelque sorte à sa succession. Tencin, en entrant au ministère, s’était bien un instant leurré de cette brillante perspective, mais, très avisé comme il l’était, il ne lui avait fallu que quelques jours d’observation pour se convaincre que la France était lasse du gouvernement d’un ecclésiastique, et que, si le roi avait encore à subir le joug d’un favori, il ferait du moins à l’opinion régnante la concession d’en changer l’extérieur et le costume. Il s’en serait convaincu par ce seul fait que, dans les conseils auxquels Fleury n’assistait plus, le roi ne lui offrait jamais la préséance qui aurait semblé appartenir à son rang sacerdotal. Du moment que la place suprême ne pouvait lui revenir, il convenait à Tencin qu’elle restât vacante. Richelieu, aussi bien que Noailles, étaient donc assurés d’avance de trouver en lui à qui parler.

Il est même probable qu’il n’attendit pas qu’on lui offrit la conversation. En sa qualité d’élève et d’ami du fameux cardinal Dubois, il était aussi peu sévère sur les principes que peu délicat dans le choix de ses connaissances. Son austérité ne repoussait aucun moyen d’accroître son crédit, et l’occasion présente devait lui convenir, s’il est vrai, comme le dit un de ses amis, le président Hénault, qu’on le trouvait surtout sublime dans des intrigues de femme de chambre. Mais eût-il éprouvé quelque répugnance à engager sa robe et son état dans une aventure équivoque par l’entremise d’un libertin, il avait auprès de lui, dans son intimité, un auxiliaire tout préparé à le mettre en règle avec les convenances ; car lui aussi avait une sœur, qui n’était pas, celle-là, une grande dame, ni une princesse se piquant de vertu, mais bien une femme légère et spirituelle qui, par un singulier mélange d’art et d’aventure, avait su se faire une place à part dans la société politique et littéraire du temps.

Alexandrine de Tencin, mise au couvent de Grenoble, dès son

  1. Mémoires du duc de Luynes, t. IV, p. 267 et suiv., 295, 304, 304, 449. — Revue rétrospective, t. IV, p. 67.