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provinces. Philippe II crut naïvement ou méchamment aux contes de Perez.

Don Juan et Escovedo s’écrivaient librement ; ils appelaient le roi d’Espagne « ce terrible homme, » Escovedo fut condamné. Quand don Juan apprit que Perez avait fait assassiner dans les rues de Madrid celui qui avait été le confident le plus intime de ses ambitions, de ses espérances, de ses pensées les plus secrètes, il jugea sans doute que tout était fini pour lui-même : il savait que le roi lui cherchait déjà un successeur et qu’Antonio Perez méditait sa ruine. Il ne se battait plus que pour l’honneur, et, bien que de plus en plus malade, il reprit la campagne contre la nouvelle armée des états, commandée cette fois par Bossu. Farnèse ne voulait pas livrer bataille ; don Juan était décidé à prendre l’offensive, mais, cette fois, la lutte fut douteuse et la journée de Rynemants fut des deux parts revendiquée comme une victoire. Elle fut, en somme, avantageuse pour les états, et don Juan fut contraint de concentrer son armée autour de Namur.

La situation devenait mauvaise : le prince d’Orange attendait douze mille reîtres que devait lui amener le duc Jean-Casimir : le duc d’Anjou était à Mons ; il avait été appelé par la grande noblesse catholique, jalouse du prince d’Orange ; il rêvait la souveraineté des Provinces-Unies et avait accepté le titre sonore de défenseur des libertés des Pays-Bas contre la tyrannie espagnole. La reine Elisabeth était enfin décidée à donner des secours aux états. Une fois encore, don Juan entra en pourparlers avec eux ; les articles qu’on lui soumettait étaient des plus rigoureux. Le roi d’Espagne ne devait plus conserver qu’une autorité nominale. L’archiduc Mathias devait être confirmé comme gouverneur ; au cas de sa mort ou de sa démission, tout choix nouveau devait être ratifié par les états. Une conférence eut lieu à peu de distance du camp ; don Juan s’y rendit avec une forte escorte ; il écouta les commissaires, accompagnés des envoyés anglais et impériaux. On remarqua qu’il ne témoigna aucune colère, il dit seulement qu’il lui semblait inutile de discuter des articles qui ne seraient point acceptés. L’empereur avait été choisi comme arbitre par le roi d’Espagne ; lui-même attendait un ordre de rappel. Il répondit à peine aux observations de l’envoyé anglais et ne parla de la reine Elisabeth qu’avec une grande courtoisie.

Don Juan avait fait élever un camp retranché par Gabriel Serbellone, sur les hauteurs de Bouges, près de Namur, au confluent de la Sambre et de la Meuse. Charles-Quint avait autrefois choisi cette position quand il était serré de près par Henri II. Se sentant très malade, don Juan se fit porter hors de Namur et alla prendre son